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et débat d'idées

Un rayon de lumière sur l’Islam et les musulmans

Lecture d’Islam et femmes, les questions qui fâchent par Jacques Ould Aoudia.

Jacques Ould Aoudia

Ce livre apporte un souffle de fraîcheur vivifiant sur une des questions qui taraude nos sociétés de part et d’autre de la Méditerranée : l’Islam.

En prenant à bras le corps le sujet des femmes et de l’Islam, Asma Lamrabet s’attaque au noyau dur des questionnements déboussolés, inquiets ou agressifs qui s’expriment chaque jour à propos de l’Islam, tant dans les sociétés de culture musulmane que dans les pays européens et tout particulièrement en France. En abordant ces thèmes, ce livre s’expose aux critiques symétriques des islamistes radicaux comme de celles des propagateurs de l’islamophobie, qui, tous deux, soufflent sur les braises pour tenter de miner les bases de notre vie sociale dans la diversité.

Avec détermination, l’auteure aborde de front ces « questions qui fâchent » : la supériorité des hommes ? la femme comme tentation permanente ? la soumission nécessaire des femmes ? la polygamie, la répudiation : des droits pour les hommes ? la lapidation, châtiment pour les femmes adultères ? les belles houris pour accueillir les martyrs au paradis ? le témoignage des femmes, leur héritage, leur place sur la scène politique ? le voile ? le corps des femmes, ultime tabou ?

Avec rigueur, au terme de nombreuses recherches érudites dans les innombrables exégèses des textes sacrés produites depuis 14 siècles, Asma Lamrabet démonte point par point le discours traditionaliste, qui rejoint en bien des points celui des salafistes, discours qui cherche à justifier par des arguments religieux des interprétations réduisant la femme à une créature inférieure. L’auteure montre comment le poids des traditions patriarcales a pesé et pèse encore sur l’interprétation du Coran. Elle démontre que ces interprétations sont œuvre humaine, donc soumises au poids des idéologies, des enjeux sociaux et politiques. En tant qu’œuvre humaine, ces interprétations sont critiquables, par-delà leur prétention à leur sacralité, donc à leur intangibilité.

Par sa lecture attentive des Textes, par sa recherche du sens profond du message spirituel, par un retour à son esprit, à l’éthique coranique, Asma Lamrabet déconstruit les interprétations hostiles aux femmes, à l’idée même d’égalité.

A l’opposé des lectures littéralistes et partiales qui conduisent à imposer la vision patriarcale des textes sacrés, Asma Lamrabet oppose une démarche inscrite dans la sagesse universelle, apportant modération, écoute, bienveillance dans les rapports humains en général et dans les relations entre hommes et femmes en particulier. Ce faisant, l’auteure fait œuvre de civilisation en montrant et démontrant comment la religion peut contribuer à réduire/contenir la part sombre de l’être humain, sa violence, sa brutalité, son égoïsme, son manque de sensibilité et d’empathie pour le faible, le vulnérable.

Elle montre comment les lectures restrictives des textes ont largement inspiré les législations de la plupart des pays de culture musulmane. La Tunisie et le Maroc se distinguent sur ce terrain par l’ouverture certaine de leurs législations concernant les relations entre hommes et femmes (code de la famille). Par la rigueur de sa démarche, cet ouvrage, peut servir de base à des réformes juridiques dans nombre de pays de culture musulmane dont le droit de la famille reste marqué par des interprétations patriarcales (et même antéislamiques) des textes concernant les relations entre femmes et hommes et plus généralement la place de la femme dans la société.

Asma Lamrabet s’affirme comme croyante, et revendique sa liberté critique sur les interprétations, passées et actuelles, des Textes au nom de sa quête de connaissance qu’elle situe dans une démarche d’humilité en tant que croyante : « Et Seul Dieu sait mieux, wa Allahu a’lam… »

Finalement, Asma Lamrabet donne des clés pour lever le verrou qui s’est formé depuis des siècles sur le monde musulman.

Elle montre que la responsabilité de l’être humain est engagée dans son rapport à la religion : il peut choisir d’en donner une interprétation ténébreuse, violente, le transformer en code pénal punissant, châtiant, humiliant, terrifiant, en se situant du côté de la harangue menaçante et mortifère.

Il peut à l’inverse en donner une lecture ouverte, bienveillante, égalitaire, solidaire avec les démunis, confiante en soi et dans l’autre, en se situant du côté de la vie. C’est vers ce côté lumineux qu’Asma Lamrabet invite résolument les croyants à se diriger.

Jacques Ould Aoudia

 

Jacques Ould Aoudia est chercheur en économie politique du développement et président de l’association Migrations et développement. Il organise des projets de formation de jeunes des deux rives de la Méditerranée auxquels participe Asma Lamrabet.

 

11 décembre 2017