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Jeunes et médias au Maroc

Le 12 mars, le Forum des Alternatives Maroc et DW Akademie ont organisé à Casablanca une journée d’étude sur le traitement des enjeux des jeunes dans les médias au Maroc. Il s’agissait de faire le point sur les études et les rapports sur le sujet, en vue de produire des recommandations pour améliorer l’offre existante. En toutes lettres y participait pour présenter le projet Openchabab.

Reconnaître le rôle des jeunes

Le constat : les médias marocains tournent le dos aux jeunes. Seulement 2,3 % des sujets les concernent, alors que cette classe d’âge est la principale productrice de contenus médiatiques (« 40,45 % de sujets externes, 57,4 % d’auteurs de reportages et 23,8 % de présentateurs »), qu’elle représente l’écrasante majorité des personnels des chaînes de télévision et de radio, et qu’elle est abondamment consommatrice de médias. « Dans des sociétés jeunes et majoritairement féminines, être femme et jeune est une double peine : quand il y a une représentation, elle est souvent mauvaise. On voit rarement des experts jeunes, mais des hommes d’un certain âge. Cela décourage les aspirations des jeunes », regrette Rim Baji, chargée de projets Information et communication à l’UNESCO, qui présentait l’expérience Net-Med Youth (Network of Mediterranean Youth).

Pour Marouane Harmach, auteur d’un rapport pour l’UNICEF sur « Les enfants, les jeunes et les médias au Maroc » (2019), il manque un « code déontologique de la profession journalistique » sur la question : surreprésentés au moment des vacances, les sujets concernant enfants et les jeunes sont quasiment absents, sauf en cas de faits divers, et « on n’implique jamais l’enfant dans la production, en prenant son avis ». Et tous les intervenants de plaider pour une reconnaissance des jeunes non pas uniquement comme cible, mais comme acteurs.

Dans une seconde partie, ont été présentées plusieurs initiatives de médias faits par et/ou pour les jeunes. Amine Belghazi a expliqué que l’émission satirique 1 dîner 2 cons voulait « repousser les limites des lignes rouges en créant un débat bon enfant ». Khadija Hafid de Sam3i sawtek a insisté sur l’importance de renforcer les capacités des jeunes femmes de 18 à 30 ans en faisant connaître la loi par des histoires de partout au Maroc pour lutter contre les violences. Ghassan Karmouni est revenu sur l’histoire du portail E-Joussour, démarré en 2005, et sur l’aventure des radios communautaires. Quant à Mehdi Bouziane, il a raconté comment le projet RadioImpact a permis à des projets citoyens d’avoir accès à l’hertzien par des créneaux dans des radios nationales, et de faire remonter des initiatives décentralisées de la société civiles. Zoom sur l’initiative Ki derti liha.

Ki derti liha, pour l’information éducative

Portée par la plateforme d’éducation en ligne 9rayti.com, la web série Ki derti liha propose des interviews avec des professionnels qui mettent en avant, en darija, leurs parcours académiques et professionnels et donnent des conseils. « Nous avons voulu respecter la diversité dialectale, régionale, de genre et de parcours pour toucher un public varié », explique Safaa Issaad. « Nous ne nous limitons pas à des success stories, pour éviter de frustrer les jeunes au lieu de les motiver. La success story est rare, donc on insiste sur les facteurs de réussite : autodiscipline, culture générale, maîtrise des langues, et on promeut l’autoformation comme outil d’insertion professionnelle. On montre aussi les erreurs, les regrets, les difficultés à surmonter un obstacle. On montre d’autres modèles de réussite que la réussite matérielle et surtout on s’attaque aux stéréotypes. » Avec 10 millions de vues, Ki derti liha a réussi a rendre attractif un contenu sérieux et engagé.

Kenza Sefrioui

13 mars 2020