Freelfen : le street art dans le sang
Constituée début 2019, l’association Freelfen milite pour l’exercice de l’art dans l’espace public en toute légalité.
Freelfen est une initiative lancée par Badr Moutaz, alias Pedro, un bassiste qui s’est fait connaître suite à son arrestation, en novembre 2018, en compagnie d’un autre artiste de rue, El Mehdi Achataoui, alors qu’ils se produisaient en public. Cette affaire avait suscité une grande indignation et une large mobilisation dans les réseaux sociaux. Les deux hommes ont écopé d’un mois de prison avec sursis. Depuis sa sortie de prison, Badr a fait de la lutte des artistes de rue et de leur droit à se produire en public, l’objectif de sa vie. Quelques mois plus tard, Freelfen voit le jour, avec à la clé, l’organisation du festival Freelfen, qui a eu lieu en mai 2019 : une journée de festivités avec la participation d’artistes de rue comme Badr Moutaz ainsi que des formations plus reconnues comme Hoba Hoba Spirit et Hasba Groove…
Des espaces pour les artistes !
C’est en compagnie d’un autre Pedro, celui-là guitariste, et de Sami, à la guitare sèche et au chant, que Badr, membre des Sound Trip, se produisait Place des Nations Unies, pas loin du boulevard Mohammed V. Le trio enchantait leur public, en reprenant avec brio des classiques du rock comme « Hotel California » des Eagles, « Wish you were hère » des Pink Floyd ou encore « Black magic woman » de Santana. On retrouvait dans le public aussi bien des jeunes amoureux du rock que des quinquagénaires, pères de famille, tout contents d’écouter la musique de leur adolescence. Les trois musiciens étaient également connus pour le respect qu’ils avaient pour le voisinage et pour tout ceux qui partageaient l’espace public avec eux, à commencer par les autres artistes de rue.
Depuis quelques années, la place des Nations Unies est devenue le lieu de pèlerinage de nombreux artistes : des musiciens, mais aussi des comédiens et des artistes de cirque. Les rapports entre les artistes et les agents d’autorité étaient loin d’être cordiaux. Les musiciens se voyaient régulièrement confisquer leur matériel. Jusqu’à cette journée de novembre 2018 et l’arrestation des deux musiciens…
Freelfen a réussi à fédérer des artistes de la rue connus de Casablanca comme Hafid W Selma, la compagnie Col’jam, Sabrina Kamili, Ali Faraoui, Snoopy, Amal El Attrache, Ibtissam El Mabchour, Ayoub Harti… Ses membres ont mis en place un guide de sensibilisation, une sorte de charte de la rue pour permettre aux artistes de la rue de pratiquer leur art dans l’espace public sans être inquiétés.
L’entretien
Badr Moutaz, président : « Nous avons mis en place une charte de la rue »
Pourquoi avoir créé Freelfen ?
Nous avons décidé de créer l’association après avoir été victimes, avec un autre musicien, d’une arrestation, pour avoir joué dans la rue. L’objectif de Freelfen, c’est d’organiser l’art de rue et permettre aux artistes de toutes disciplines confondues d’exercer leur art dans l’espace public en toute légalité et légitimité et dans un cadre protégé. Fondée à Casablanca, l’association est constituée essentiellement d’artistes dotés d’une expérience comme Hafid W Selma, Ayoub Harti, ainsi que des personnes plus établies dans la scène artistique, comme l’actrice Amal El Atrache, le producteur Ali Faraoui ou encore l’illustrateur Rebel Spirit.
Parlez-nous un peu de l’art de rue…
L’art de rue est un mouvement artistique qui existe dans le monde entier. Dans notre pays, cela fait des siècles que les artistes se produisent dans l’espace public. Plus récemment, depuis maintenant plus de trois ans, la place des Nations Unies à Casablanca est devenue l’espace de prestation des artistes de plusieurs disciplines (Musique, cirque, théâtre).
Quelles sont vos principales actions ?
Nous avons récemment mis en place un guide de sensibilisation, basé sur de multiples expériences sur le terrain. C’est une charte de la rue qui contient des consignes permettant à l’artiste de rue d’exprimer son art légalement dans un espace protégé, sans nuire à l’entourage. Nous organisons également le festival Freelfen en collaboration avec les associations Col’Jam, une compagnie de danse contemporaine et de performance ainsi que FACT (Fine arts and cultural tolérance). Un événement d’une journée qui vise à promouvoir une scène de la rue respectueuse des normes techniques et parfaitement adapté à l’espace public.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Nous voulons assurer une animation permanente des espaces publics par l’organisation de spectacles, performances, concerts et ateliers pédagogiques. Nous allons lancer des cycles de formation artistique au profit des jeunes de quartiers ainsi que des ateliers pour enfants et adolescents. Nous allons également encourager les jeunes artistes à produire des performances destinées au grand public. Enfin, nous voulons organiser l’art dans l’espace public en formant et accompagnant les artistes de rue.
Le portrait
Ibtissam El Mabchour, secrétaire générale, l’amie des musiciens
De par sa formation, Ibtissam El Mabchour, 29 ans, n’a jamais été loin de l’univers artistique. Ses études supérieures, elle les a effectuées à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech (ESAV) en arts appliqués. Elle va alors multiplier les boulots comme freelance dans le graphisme et les arts visuels. Native de la ville de Safi, Ibtissam a grandi à Casablanca et a très tôt été en contact avec l’univers musical urbain de la capitale économique. Puis depuis fin 2017, elle s’est particulièrement intéressée à la scène de la rue. Elle s’est ainsi impliquée en aidant de nombreux artistes à mieux travailler leur communication, à créer des pages Facebook… « Les arts de la rue, c’est une occasion importante pour les artistes pour se produire devant un public et d’avoir son feedback. Une reconnaissance de la part de ce public aide les artistes à se développer. »
Association Freelfen
0691 772 730
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Instagram: Freelfen