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Tahadi : l’efficacité par la proximité

Depuis 2003, l’association Tahadi apporte son soutien aux femmes et aux jeunes du quartier casablancais de Derb Ghallef et d’ailleurs.

Dans les locaux de Tahadi, non loin du marché de Derb Ghallef, l’activité bat toujours son plein. L’ambiance est bon enfant et l’espace investi par de jeunes femmes, parfois accompagnées de leurs enfants. Elles viennent de Derb Ghallef, mais également d’autres quartiers de Casablanca, pour demander différents types d’assistance aux cadres de l’association.

La violence numérique, un fléau…

Tahadi est une association de quartier. Elle réalise depuis plusieurs années, un précieux travail de proximité, principalement au profit des femmes. Un centre d’écoute est mis à leur disposition tout au long de la semaine. « Après écoute, on définit le type d’orientation, et donc de solution à prodiguer : soutien psychologique, juridique ou autre », explique Bouchra Abdou, directrice de Tahadi. En effet, l’association met à disposition des bénéficiaires plusieurs services : de l’écoute bien sûr, mais aussi du conseil, de l’orientation juridique, du soutien psychologique, de la médiation familiale… Des cas spécifiques sont pris en charge par l’association. Il s’agit principalement de femmes précarisées économiquement. Certaines ont des dossiers lourds : inceste ou harcèlement de la part d’employeurs. « On doit faire face à des problèmes d’ordre administratif, notamment les procédures pour régler la situation juridique des mères célibataires et de leurs enfants », déplore Bouchra Abdou.

Un autre volet important du travail de Tahadi est le soutien scolaire pour les niveaux préparatoire et secondaire, dans un pays où un nombre important de cas d’abandon scolaire sont enregistrés entre le collège et le lycée. L’association travaille également avec les jeunes, dans le cadre du guichet Activa, afin de les aider à mieux présenter leurs candidatures et de les accompagner dans leur recherche d’emploi.

Tahadi s’est également investie dans le plaidoyer et a, à cet effet, lancé plusieurs campagnes de sensibilisation à différents fléaux sociétaux comme le harcèlement sexuel. Depuis quelques semaines, les cadres de l’association focalisent leurs actions sur la violence numérique, dans le cadre de la campagne sur la loi 103-13. « De plus en plus de femmes sont victimes de harcèlement via le net, de diffamation, de chantage sexuel. Il nous paraît important de sensibiliser sur ce sujet grave », conclut Bouchra Abdou. Tahadi a, à cet effet, réalisé des capsules sur le sujet et pour promouvoir la loi 103-13, en arabe, en amazigh, en français, en espagnol et en anglais. Enfin, afin de rendre hommage à toutes ces femmes qui ont permis à la cause féminine d’avancer, Tahadi a publié, fin 2018, un livre de portraits de grandes dames de terrain intitulé « Les militantes de l’ombre ».

Tahadi s’est également distinguée par ses actions pendant le confinement. « Nous nous sommes concentrés sur l’écoute des jeunes et des femmes et sur la prise en charge et l’hébergement des enfants sans abri à Dar Chabab Derb Ghallef. 1 015 femmes ont été écoutées au cours de 2020. La violence contre les femmes a augmenté de manière exponentielle à cause du confinement. La famille n’est pas toujours un lieu de cordialité… », conclut Bouchra Abdou.

L’entretien
Bouchra Abdou, directrice : « La violence numérique pose problème »

Bouchra Abdou

Parlez-nous un peu de l’association…

L’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC) a été constituée en 2003 à Casablanca. Au départ, guidée par le souci de maintenir la viabilité sociale, de faire du quartier casablancais de Derb Ghallef un endroit digne d’êtres humains, et d’améliorer la qualité de vie des habitants, Tahadi était essentiellement à vocation environnementale. En plus des problèmes environnementaux, l’ATEC s’est retrouvée confrontée à d’autres fléaux : délinquance, dénuement, chômage, drogues, violences (notamment violence de genre), prostitution, ignorance, déperdition scolaires, extrémisme…

Pourquoi avoir choisi d’être une association de proximité ?

Pour être d’abord plus efficace et voir l’impact de nos actions sur la population. Pour cela, il nous a fallu cerner la situation sociale de ce quartier afin d’identifier les besoins de la population et apporter ainsi les solutions les plus appropriées.

Quelles sont les principales actions de l’association ?

Tahadi dispose d’un Centre d’écoute et d’orientation, de soutien psychologique, d’aide juridique et social. Il est à la disposition des femmes en détresse : mères célibataires, femmes violentées, femmes en instance de divorce, femmes victimes de harcèlement sexuel. Chaque jour, les femmes peuvent également bénéficier d’un soutien psychologique. Nous offrons aussi du soutien scolaire pour des collégiens de la troisième année parce que c’est là que se décide le passage vers le lycée. Un cap important qui permet à nos adolescents de continuer leurs études et ne pas sombrer dans les différents types de délinquance. Pour les jeunes, on met à leur disposition le guichet Activa qui les aide dans leur quête d’un premier travail.

Qu’en est-il des campagnes de sensibilisation ?

En 2018, nous avons organisé la campagne « Ne me harcèle pas » contre le harcèlement dans les transports publics. Nous avons aussi sensibilisé sur l’importance de la loi 103-13 qui lutte contre le harcèlement. Nous avons aussi organisé la caravane Tahadi pour l’égalité pour un discours éducatif ouvert sur les droits humains qui a profité à plus de 300 enfants de Casablanca. En 2019, l’ATEC a contribué aux cotés de sept autres associations à l’élaboration d’une recherche action chapeautée par l’organisation Mobilising for Rights Associates (MRA) sur les violences faites aux femmes facilitées par les technologies au Maroc.

Le portrait
Sara Moufallah, apprentie assistante sociale : l’envie de donner

Sarah Moufallah

Cette femme de 28 ans, mère d’un petit garçon de 7 ans, est une des figures les jeunes de l’association. Ancienne bénéficiaire de Tahadi, elle est devenue aujourd’hui une de ses actrices principales. « Suite à des problèmes conjugaux, j’étais à la recherche d’écoute et de compréhension, et c’est exactement ce que j’ai trouvé à Tahadi. » C’est grâce à un ami qui travaillait à Tahadi que Sara Moufallah a pu suivre des séances d’accompagnement psychologique. Cela l’a aidée à prendre des décisions importantes pour sa vie. Elle bénéficie dès lors de formations, assiste à des rencontres et séminaires. « À Tahadi, j’ai trouvé ma voie. J’ai fait la connaissance de personnes qui m’ont aidé à grandir. À mon tour, j’ai envie d’aider les autres qui sont dans le besoin. » Elle s’investit dans les séances d’écoute, parle aux femmes en difficulté avec comme objectif premier, devenir assistante sociale à Tahadi. À Bouskoura, là où elle habite, elle a créé sa propre association, « Tamkin » pour venir en aide aux femmes et aux enfants de la région.

À lire aussi: Un atelier de sensibilisation à l’ATEC, par Oumaima Jmad.

 


La fiche signalétique
Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC)
130 Rue Habacha ex Watteau Derb Ghallef  1er étage N° 4
Tel : 05 22 99 51 68
tahadi2003@gmail.com
www.facebook.com/AssociationTahadi/


Hicham Houdaïfa

2 février 2021