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AMRVT : contre la torture

Depuis près de 20 ans, l’Association médicale pour la réhabilitation des victimes de la torture (AMRVT) accompagne une population impactée par la détention et les maltraitances.

Février 2021, l’Association médicale pour la réhabilitation des victimes de la torture (AMRVT) a organisé son cinquième atelier de sensibilisation contre les maladies infectieuses, la tuberculose, le sida et la Covid 19 bien sûr. En fait, depuis le début de la pandémie, l’association s’est investie dans des caravanes de sensibilisation ponctuelles à destination des populations défavorisées de Casablanca et des villages autour des villes de Beni Mellal et Khénifra afin de leur faire prendre conscience du danger de ces maladies. Les cadres de l’AMVRT ont fait du porte à porte distribuant médicaments, masques et gels hydroalcooliques.

C’est au centre ville de Casablanca se trouve Centre d’accueil et d’orientation des victimes de la torture relevant de l’AMRVT. La structure est ouverte cinq jours sur sept. Ses bénéficiaires : des personnes qui ont été victimes d’emprisonnement et de torture lors des années de plomb ainsi que leurs familles. « On dénombre officiellement pas moins de 50 000 victimes de ces années-là. Mais il y a aussi les victimes indirectes, qui sont les parents, époux et épouses, ainsi que les enfants. Le Centre est avant tout un espace de soutien pour ces personnes », souligne Abdelkrim El Manouzi, Secrétaire général de l’AMRVT. On peut croiser au Centre des victimes de toutes obédiences, des islamistes aux gauchistes. L’association répond ainsi à une des recommandations les plus importantes de l’Instance équité et réconciliation (IER), celle de la réhabilitation physique et psychologique des victimes.

Des caravanes médicales

Si l’activité centrale de l’AMRVT reste l’accompagnement des victimes des années de plomb, l’association a également multiplié les caravanes médicales à destination des régions qui ont abrité des centres de détention secrets. Une belle manière de participer à cet effort de réparation qui touche ces communautés également impactées par la répression.

Plus encore, l’AMRVT se tourne depuis quelques années vers d’autres populations précarisées, notamment celles qui vivent dans des régions enclavées. « Nous avons organisé en avril 2018 une caravane médicale au profit de la population d’Idasoumlal, dans la région de Tafraout avec la participation de pas moins de 88 médecins généralistes et spécialistes ainsi que des unités mobiles. Nous avons touché 2 500 patients. En 2019, nous avons mis en place une autre caravane médicale qui a bénéficié aux habitants du village de Aït Lahcen ou Ali », explique Abdelkrim El Manouzi. Et d’ajouter : « La pauvreté, l’enclavement et la précarité sont d’autres visages d’une torture qui est vécue au quotidien. »

Autre action majeure de l’AMRVT : une opération médicale menée par une trentaine de praticiens toute spécialités confondues et qui a ciblé les migrants (550) qui vivaient en 2018, à côté de la gare Oulad Ziane à Casablanca. Cette action a été réalisée avec la collaboration du Centre antituberculeux de la ville, Opération Smile, l’ALCS…

L’entretien

Abdelkrim El Manouzi, secrétaire général : « 25 000 consultations gratuites pour 5 000 victimes »

Abdelkrim El Manouzi

Parlez-nous de l’association, de sa création…

Le Centre d’accueil et d’orientation des victimes de la torture a été créé en janvier 2001 par une poignée de médecins et de défenseurs de droits humains, dont feu Driss Benzekri. Le Centre était alors parrainé par le Forum Vérité et Justice. L’association médicale pour la réhabilitation des victimes de la torture est l’entité juridique qui a continué le travail du Centre. Elle est constituée uniquement de médecins universitaires et de praticiens du public et du privé. L’association et le Centre sont venus répondre à un besoin pressant : la réhabilitation et l’accompagnement des victimes des années de plomb, en absence de centres de soins dédiés à cette population. Le Centre est ouvert à toutes les victimes quelle que soit leur appartenance politique, leur sexe ou leur origine.

Quelles ont été vos principales actions ?

En 20 ans d’activités, nous avons assuré 25 000 consultations gratuites pour 5 000 victimes. Nous avons également assuré un travail de proximité à travers les caravanes médicales dans les régions qui ont connu des violations graves des droits humains et particulièrement celles ayant été le siège de centres de détention secrets de disparition forcée (Kelaat Meggouna, Tagounite, Agdz et Tazmamart), mais aussi à Khenifra, Tadla et Azilal.

Quels sont les problèmes auxquels vous faites face ?

Depuis trois ans, l’association connaît de grosses difficultés financières, surtout par rapport au budget de fonctionnement. Nous estimons que c’est à l’État, qui est moralement responsable de ces exactions, d’assurer une partie du financement d’associations de notre nature.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Nous continuerons à assister les victimes des années de plomb et leurs familles. Des victimes, qui pour la plupart, souffrent de graves maladies chroniques, psychologiques et physiques. On ambitionne d’accompagner d’autres victimes de maltraitances dans les prisons marocaines ainsi que la population des migrants, victimes aussi de tous types de violences.

Le portrait

Amar Benamar, président : Militer par la médecine…

Amar Benamar

Natif de la ville de Figuig, Amar Benamar a suivi ses études dans l’Oriental avant de rallier Rabat afin de compléter son cursus à la Faculté de médecine dentaire. Il a été pendant 25 ans enseignant dans cette même Faculté et exerce depuis 8 ans son métier dans le privé. Mais à côté de son parcours professionnel, Amar Benamar a été actif dans plusieurs association des droits humains, l’AMDH, Amnesty International, l’AMRVT, ainsi qu’au Forum alternatif Maroc et à l’Espace associatif. « Ma ville natale a vécu des violations graves des droits humains surtout en 1973, qui ont touché des parents, des enseignants. C’est tout naturellement que je me suis engagé dans des structures de défense des droits humains, notamment dans une cellule dédiée aux droits humains et la santé à l’AMDH ». Un travail qu’il continuera à faire et qui se concrétisera, avec d’autres militants médecins, au sein de l’AMRVT. « Durant les années 2000, le contexte ayant changé, nous avons créé l’AMRVT, une structure indépendante qui se base sur les droits humains, l’éthique et la déontologie médicale. »

 


La fiche signalétique
Association médicale de réhabilitation des victimes de la torture
Rue d’Alger, Casablanca
Tel : 05 22 22 61 27
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Hicham Houdaïfa

9 mars 2021