Un peuple qui n’a aucune raison de mourir
L’édition actualisée de l’essai d’Alain Gresh s’en prend au regard occidental sur la Palestine et le Proche Orient, et en dénonce les relents coloniaux et la criminelle cécité.
« Rarement un conflit aura été accompagné de tant de mensonges, de désinformation, d’affabulations », écrit Alain Gresh, journaliste et fondateur du site Orient XXI, dans le préambule à ce livre initialement publié en mai 2024 aux éditions Les Liens qui Libèrent pour dénoncer à l’époque un « risque génocidaire ». « Rarement le manichéisme n’aura autant dominé et contribué à effacer la profondeur historique d’une crise que nous redécouvrons à chaque conflit. Rarement la politique française aura été si peu à la hauteur, se contentant d’un suivisme affligeant à l’égard du gouvernement israélien et de son parrain américain. » Dans cet ouvrage, il n’est plus hélas question de risque mais de faits, puisque, selon les termes de l’avocate irlandaise Blinne Ni Ghralaigh (en janvier 2024), Gaza est « le premier génocide de l’histoire durant lequel les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel dans l’espoir désespéré, et pour l’instant vain, que le monde puisse faire quelque chose. » Destructions massives, faim, attaques contre l’UNRWA… Alain Gresh reprend les faits mais questionne surtout la complaisance de l’Occident à l’égard d’Israël et son criminel absence de soutien aux Palestiniens.
Guerre de récits

Alain Gresh étudie le vocabulaire des officiels français pour exprimer leur soutien « total », « inconditionnel », à ceux qui « neutralisent » des civils, dont des enfants, et continuent de livrer des armes à Israël. Il s’attarde sur l’usage en particulier de l’expression « guerre contre le “terrorisme” », appliquée à géométrie variable, et appelle à l’emploi des termes du droit international : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides, « qui ont aussi l’avantage de pouvoir s’étendre aux États que l’on exonère trop souvent ». Et de rappeler l’histoire de colonisation et d’attaques répétées d’Israël contre le peuple palestinien : « C’est ce que les militaires appellent “tondre le gazon”, recommencer périodiquement à réduire les capacités militaires du Hamas, une formule qui déshumanise les Palestiniens en les réduisant à des végétaux. » Sans parler du refus des négociations.
Alain Gresh s’inquiète d’un « génocide d’atmosphère » destiné à rendre« acceptable » le génocide à Gaza. Glaçant, l’inventaire des fausses informations par des médias français relayant ouvertement la propagande israélienne, installe un discours manichéen typique de toute guerre coloniale : « la dénonciation des “barbares” qui luttent contre la civilisation ». Discours qui induit un soi-disant « fatalisme de la riposte », si disproportionnée soit-elle. L’auteur souligne la censure pratiquée par Meta contre les contenus propalestiniens, ainsi que la trahison de nombre d’« intellectuels ». Il met en cause la différence de traitement médiatique du conflit entre la Russie et l’Ukraine et celui appliqué au génocide perpétré par Israël à Gaza et s’indigne de l’instrumentalisation de l’antisémitisme, notamment par l’extrême-droite, pour faire taire les voix qui s’en inquièteraient, tout en s’en prenant aux populations musulmanes. Suite logique de cette attitude criminellement complice : la perte de crédibilité mondiale de l’Europe comme représentante des valeurs universelles et sa rupture avec le Sud Global. Un livre qui renvoie chaque société à sa propre conscience face à un génocide que personne ne peut ignorer.
Et vous, vous lisez quoi ?
Kenza Sefrioui
Palestine, un peuple qui ne veut pas mourir
Alain Gresh
Tarik éditions, 192 p., 55 DH








