Al Jisr: la solidarité au service de l’environnement
Les entreprises qui utilisent les matériaux informatiques s’en débarrassent à un certain moment pour en acheter d’autres qui sont neufs. L’association Al Jisr les récupère pour en faire un autre usage, au profit de ses jeunes et des enfants des écoles publiques.
« Une deuxième vie pour les ordinateurs, une deuxième chance pour les jeunes » : telle est la devise d’Al Jisr Partenariat École-Entreprise. Une association créée en 1999, basée à Casablanca et d’utilité publique depuis 2006 et qui fait littéralement le pont, comme l’indique son nom en arabe, entre l’entreprise et l’école publique. Plus d’une vingtaine d’années d’expérience qui fait d’Al Jisr une des structures associatives les plus actives dans le secteur de l’éducation et de la formation, surtout dans le registre des jeunes chômeurs et en difficulté. « Nos activités sont aujourd’hui structurés sur deux pôles, Eduka qui se concentre sur les programmes d’éducation, du préscolaire jusqu’au primaire et Bab El Najah, qui est un centre de la deuxième chance pour les jeunes de 18 à 35 ans, qui ne sont plus à l’école et n’exercent aucune activité », nous explique Othmane Younouss, directeur des Opérations et Partenariats au sein d’Al Jisr.
L’économie circulaire à l’œuvre
Et c’est exactement dans les contours de ce dernier pôle que se situe une des actions les plus anciennes et les plus novatrices d’Al Jisr : l’upcycling des ordinateurs. Ce qui veut dire littéralement donner une nouvelle vie à ces machines : « Al Jisr s’est investie depuis longtemps dans la formation. D’abord à travers nos centres de la seconde chance qui aident les jeunes à apprendre la maintenance informatique, le coding ou la robotique. Les matériaux qui sont fournis par les entreprises sous forme de dons sont utilisés par les jeunes pendant la formation pour les rendre neufs. Par la suite, ces ordinateurs sont distribués gratuitement aux écoles publiques et participent ainsi à l’ouverture de classes informatiques, dans la logique même de l’économie circulaire », ajoute M. Younouss. Des écoles primaires de toutes les villes et villages du pays bénéficient ainsi de cette action citoyenne qui existe depuis 14 ans.
En parallèle, Al Jisr évite au Maroc plus de déchets informatiques, tellement nocifs pour l’environnement : « Nous équipons en moyenne une dizaine de classes par mois, à raison de dix ordinateurs par classe. On ne se limite pas de distribuer les machines, on forme également les enseignants. On leur montre comment les utiliser. Donner du matériel sans qu’il ne soit utilisé ne sert à rien. On travaille aussi avec les enfants afin de les introduire à l’univers de l’informatique (clavier, Word, tableur). Les enseignants sont les plus importants dans ce processus parce que ce sont eux qui forment les enfants. » Une pratique qui s’inscrit exactement dans le principe de l’économie circulaire, essentielle à la préservation de l’environnement. Des entreprises livrent gracieusement à l’association des ordinateurs en bon état qui étaient destinées à être jetés. Ces machines servent à la formation de centaines de jeunes NEETs[1] et sont par la suite transférées à des écoles publiques pour introduire le digital auprès de milliers d’autres enfants. Mais, ce n’est pas tout. Dans le cadre de son appui à l’école publique, cette action digitale fait partie d’un ensemble d’actions qui englobent aussi la lecture, et ce à travers l’ouverture de bibliothèques, et la science, via des Bus de la découverte qui sillonnent le Maroc en entier pour disséminer le savoir scientifique et environnementale. Al Jisr ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Consciente de son apport social, mais également environnementale, Al Jisr compte accélérer la cadence de ce programme, en « cherchant plus d’entreprises partenaires, afin d’équiper plus d’écoles et de créer plus de classes informatique », ajoute encore M. Younouss.
Et pour consolider son engagement « vert », Al Jisr lance, dans les prochaines semaines, une nouvelle activité : Green to act. Il s’agit, selon Chaibia Aziz, cheffe de projet à Al Jisr, « d’un programme d’ateliers de sensibilisation sur des thématiques de l’environnement en faveur des jeunes en situation de précarité résidant dans les quartiers périphériques de Casablanca, afin d’encourager, d’impacter et de renforcer leur participation citoyenne au sein de leur communauté. » Une vingtaine de jeunes NEET, filles et garçons, originaires des quartiers défavorisés de la capitale économique, vont s’investir dans des projets écologiques, dans 10 écoles publiques. L’idée, c’est de réaliser des actions environnementales de manière participative, en impliquant enfants et instituteurs. « Trois écoles seront récompensées pour les meilleurs projets. La finalité de Green to act, c’est d’encourager l’éducation à l’environnement chez les jeunes et dans les institutions publiques », conclut Mme Aziz.
Hajar Ariri
[1] Cet acronyme signifie en anglais « not in employment, education or training », sont les jeunes en décrochage scolaire, sans formation, ni éducation avec de faibles opportunités d’emploi.
Hajar Ariri est en 2e année de licence en sociologie à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Aïn Chok à Casablanca. |
Ce reportage a été réalisé dans le cadre de la session Openchabab Environnement, avec le soutien de la Fondation Heinrich Böll. |