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Autocrate, incompétent et dangereux

L’écrivain québécois Alain Roy réalise un portrait de Donald Trump. Une accablante synthèse.

« Il ne lit pas, regarde jusqu’à huit heures de télé par jour, n’écoute pas ses conseillers, ne peut tenir de discussion réfléchie, ne possède pas de connaissances générales suffisantes, ne suit pas de processus décisionnels structurés, change facilement d’avis, reste obsédé par des lubies, est incapable d’apprendre, ne peut mesurer les conséquences à long terme de décisions, ne comprend pas les causalités complexes et multifactorielles, etc. » Le brillant personnage ainsi croqué ne causerait tort à personne s’il n’était à la tête de la première puissance militaire et économique mondiale, les États-Unis. Alain Roy a le don de s’intéresser à ce type d’énergumènes, puisqu’après son essai Les déclinistes, ou le délire du « grand remplacement » (Écosociété, 2023), c’est sur le locataire de la Maison Blanche qu’il mène l’enquête. Son essai, qu’on dévore avec des frissons d’horreur et d’angoisse car ce n’est pas une fiction, propose de réfléchir sérieusement à qui l’on met au pouvoir.

30 573 mensonges

Alain Roy

L’auteur mène l’enquête à deux niveaux : sur les rouages de cette machine à manipuler, et sur sa psychologie pour le moins problématique. Il décrypte d’abord, compilant sources publiques et témoignages à l’appui, les « méthodes de propagande grâce auxquelles Donald Trump a pu manipuler ses partisans et reprendre le pouvoir ». « Passé maître dans l’art de fabriquer des images de lui-même », est un menteur compulsif. « Faits alternatifs », inexactitudes, exagérations, omissions, demi-vérités, mais aussi déformation des faits, théories du complot, voire fabulations… ce sont pas moins de « 30 573 mensonges » (sans compter ceux qui parsèment sa vie personnelle) qu’a recensé le Washington Post rien que lors de son premier mandat. Fasciné par Hitler et Poutine, il se montre « peu intéressé à suivre les règles de l’institution » et n’hésite pas à mettre en compétition son entourage pour asseoir son autorité.

Le sous-titre du livre annonce le portrait d’un « imposteur », mais l’exploration « au cœur de sa psyché », derrière les masques multiples du « matamore » révèle un personnage bien plus inquiétant, dont les failles psychologiques l’amènent à une réelle dangerosité. Héritier d’un père tyrannique qui a construit sa fortune en grugeant le fisc par la sous-estimation constante de la valeur de leurs actifs, et à coup de greenmailing (ou stratégie de chantage financier), Donald Trump n’a rien de l’autodidacte qu’il prétend être, n’ayant cessé de bénéficier des finances paternelles. Ses études pour le moins poussives – une inscription obtenue contre la promesse d’un don à l’université, un diplôme obtenu de manière douteuse – lui ont laissé des lacunes abyssales : il ne savait pas que « le Royaume-Uni possédait l’arme nucléaire ». Son éthique est inexistante : tricheries pour ne pas faire l’armée tout en traitant les soldats tombés ou blessés de « suckers ou loosers » ; refus d’accorder leur héritage à ses propres neveux orphelins… Le personnage est d’un narcissime délirant, allant jusqu’à donner son nom à tout ce qu’il commercialise : « Trump Tower, Trump Castle, Trump Air, Trump University, Trump Vodka, Trump Steak… »

Alain Roy inventorie les faits illustrant ses penchants criminels, son agressivité, son sadisme haineux. Quid de son maintien au pouvoir, avec ces « comportements agressifs et haineux, combinés à des penchants transgressifs et criminels ainsi qu’à des carences narcissiques qui alimentent une profonde soif de vengeance, et ce, alors que commencent à se manifester des signes d’une désinhibition liée à une atteinte du lobe frontal » ?, s’inquiète l’auteur, en appelant à la conscience des contrepouvoirs. Et de conclure sur l’exigence éthique de refuser de transiger avec un criminel.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Le cas Trump, portrait d’un imposteur
Alain Roy
Écosociété, 224 p., 210 DH

3 octobre 2025