Les vestiges de l’espoir
Le dernier roman de Kebir Mustapha Ammi célèbre celles et ceux qui ne se contentent pas des ordres établis.
Kebir Mustapha Ammi aime décidément nous entraîner sur les routes. Après Le Ciel sans détour (Gallimard, 2007), Mardochée (Gallimard, 2011), Un génial imposteur (Mercure de France, 2014) ou encore Ben Aïcha (Mémoire d’encrier, 2020), il nous lance à la suite d’un écrivain qui recherche un manuscrit. Plus précisément, d’un écrivain qui recherche un homme qui pourrait l’aider à retrouver ce manuscrit. Et cet homme, Glitter Faraday, qui ressemble à un « épouvantail […] qui voit que dalle, sinon le bout de ses doigts, et qui attend sagement que la vie le fiche à la porte », est de ceux dont on dit qu’« il a encore du jus pour vivre cent ans et des poussières ! » Car il est de ceux qui, pourtant « héritiers de la malchance », ne renoncent pas. Et continuent à faire résonner, jusque dans leurs complaintes, la musique de l’espoir.
Souvenirs des luttes
Ce roman s’ouvre sous le signe de migrations anciennes : celles des huguenots au XVIIIème siècle. Il y entrecroise les fils de la traite des esclaves, des jeunes soldats envoyés dans des guerres coloniales, des exils militants. Ici, sur les interminables routes de l’Amérique profonde, jalonnées de villes ouvrières, de motels et de sinistres stations services, un écho : « Alger ! Où tout commence et tout s’achève ! » Kebir Mustapha Ammi célèbre ici la capitale de l’Algérie tout juste indépendante, alors capitale des mouvements de libération et révolutionnaires, point de rendez-vous des Black Panthers et de tous les rêves d’émancipation. Alger ville refuge entre autres pour les blessés de la haine raciale, comme Glitter Faraday, battu et défiguré pour avoir aimé une blanche. Alger ville des fraternités choisies : « Nos vrais frères et sœurs ne naissent pas forcément sous nos yeux. Ils ne sont pas forcément de notre sang ni de la couleur de notre peau. Le hasard et le monde rabattent sans arrêt leurs cartes et œuvrent sans discontinuer pour rappeler, sans bruit, les liens inattendus et les gestes secrets qui nous unissent ».
De la quête d’un manuscrit, on glisse imperceptiblement à la vie tourmentée et palpitante de Glitter Faraday et des multiples personnages qu’il a côtoyés et qui, tous, ont connu la violence, l’injustice, les amours contrariées, la ségrégation raciale et coloniale, Dustin Winsley, Hejira, Sellam, Houria… On accompagne chacun dans ses obsessions et ses quêtes sans fin de réponses qui n’arrivent que par bribes et ne prennent sens que dans les échos qu’elles se renvoient les unes aux autres, de page en page, d’image en film, de motif en musique. De main en main. Un livre sur ce qui nous relie : une humanité qui ne renonce pas à l’espoir.
Et vous, vous lisez quoi ?
Kenza Sefrioui
À la recherche de Glitter Faraday
Kebir Mustapha Ammi
Éditions Project’îles, 286 p., 220 DH