Édition,
investigation
et débat d'idées

Au XIIème siècle, dans son roman philosophique Hay Ibn Yaqdan, le savant Abou Bakr Ibn Tofaïl oppose l’être seul au monde et l’être vivant avec les autres. Hay, jeune ayant échoué dans une île déserte tropicale où il fut élevé au milieu de la flore et la faune par une gazelle, accéda par la seule méditation solitaire à la métaphysique, perçant les secrets de l’univers. Autodidacte – dans le sens que lui donne le philosophe Jacques Rancière : « celui qui essaie de tracer sa voie hors des chemins normaux » –, il atteint un tel raffinement de la pensée qu’il devient l’exemple ultime de l’être se suffisant à lui-même, n’ayant nullement besoin de société.

[…] Cette oscillation entre sociabilité et retrait est l’attitude adoptée par les personnes qui gardent en elles le rêve de rester distinctes tout en contribuant à la vie en société, d’avoir une parole singulière et de rencontrer une écoute collective. Chose que Hay, dans son rôle d’être solitaire-solidaire, n’a pas pu réaliser, ou que le diktat d’une société endoctrinée a empêché d’advenir. Ainsi, l’utopie du vivre ensemble, comme l’explique Roland Barthes, consiste à « trouver un projet suffisamment fort pour rapprocher les gens sans s’aliéner à un discours contraignant qu’il soit politique, religieux ou idéologique ». Mais comment y arriver ?

Comment y arriver aujourd’hui, alors que les excès de violence se mondialisent et les réflexes identitaires favorisent le repli sur soi et le déni de l’altérité ? Comment réapprendre à écouter la multitude sociale ? Comment apprendre à nouveau observer la pluralité humaine ? Comment pressentir l’inhumain dans les agissements de l’homme et garder vivace le souci de l’inclusion sociale ? Comment concilier le rapport à soi et l’acceptation, voire l’empathie envers l’autre ? Comment accepter des compromis, en assumant ses choix et sans céder au conformisme ? Comment, en partant des connaissances partagées, mieux penser cette complexité ?

Lettre posthume à Fatéma Mernissi, par Le Collectif du vivre ensemble
Penser ensemble, tout un cheminement, par Fadma Aït Mous et Driss Ksikes (coordinateurs du livre)

Travail
Travail, entre construction identitaire et vivre ensemble, par Raja El Mouatarif, psychologue et psychothérapeute
Vivre ensemble, toute une entreprise !, par Hammad Sqalli, professeur en théorie des organisations

Savoir
La place des livres dans une société à faible littératie, par Mohamed-Sghir Janjar, anthropologue
Sciences et société : un lien à raccommoder, par Rachida Roky, professeure de neurobiologie

Langue
Le sujet de l’altérité e(s)t le langage de la société, par Majid Safouane, psychanalyste
Voix singulières en quête de symphonie, par Driss Ksikes, écrivain, chercheur

Religion
Du religieux chez soi à la religion d’État, par Mohamed Tozy, politologue, anthropologue, professeur des universités
Une histoire du pendule normatif de l’islam européen, par Farid El Asri, anthropologue

Père
Crise d’autorité parentale ou parole à libérer ?, par Farid Merini, psychiatre et psychanalyste
Les cordons flottants, par Hakim Bensaïd, ingénieur

Égalité des sexes
Lumière sur l’éthique égalitaire du Coran, par Asma Lamrabet, médecin biologiste et essayiste
Négociations domestiques de l’égalité, par Leila Bouasria, sociologue

Espace
En ville : du lieu aux liens ?, par Salima S. El Mandjra, architecte
L’espace sahraoui, du nomadisme à la sédentarité, par Mohamed-Saleh Yara, professeur de philosophie

Virtuel
Mots communs sur le virtuel, par Fadma Aït Mous, politologue
Vivre ensemble à l’ère des Internets, par Mounir Bensalah, blogueur

Étranger
L’étrange, l’étranger et les autres, par Dominique Linossier, ingénieur
La part africaine, par Omar Berrada, poète et traducteur

Bibliographie
Index

26 mai 2016 au Carrefour des Livres de Casablanca avec Driss Ksikes et Salima El Mandjra:

Intervention de Salima El Mandjra

Intervention de Driss Ksikes

« Le titre de cet ouvrage peut éventuellement en cristalliser l’idée centrale : comment vivre ensemble au Maroc. Cette expression n’est pas en définitive un simple slogan mais une vraie question sur l’empathie sociale, c’est-à-dire ‘‘la capacité de vivre ensemble et non les uns à coté des autres’’. Je ne saurais trop vous recommander l’acquisition de cet ouvrage, certes ardu mais rendu accessible tant par sa présentation et par son graphisme. » Citoyen Hmida, 20 février 2016

« [Le tissu de nos singularités, vivre ensemble au Maroc] aborde, à partir de regards croisés, multidisciplinaires, ce qui fait le lien social, le sociétal d’aujourd’hui. C’est un ouvrage collectif non seulement au niveau des signatures qui le portent mais aussi au niveau même de sa genèse. » Mohamed Bakrim, Albayane, 16 mars 2016

« Le tissu de nos singularités, vivre ensemble au Maroc étudie les mutations des liens sociaux au Maroc. […] Les auteurs tentent de comprendre les tensions que crée l’accès à l’individualité, avec les émancipations et excès qui en découlent, ainsi que le déni de la collectivité et ce que cela engendre comme injustice. »Islam Maghribi, 1^er avril 2016

« Un ouvrage polyphonique et éclairant, sur ce que nous sommes et ce que nous devenons au contact des autres et de notre époque. Un livre pour nous rapprocher un peu plus de l’utopie du vivre ensemble selon Roland Barthes, loin des clichés que véhicule ce terme aujourd’hui très à la mode, à savoir ‘‘trouver un projet suffisamment fort pour rapprocher les gens sans s’aliéner à un discours contraignant, qu’il soit politique, religieux ou idéologique’’. » Sana Guessous, Din wa Dunia n°5, avril 2016

« Ces publications participent en effet aux débats qui animent la société, et apparaissent comme des prises de recul sur les sujets polémiques. Les textes abordent […] des sujets au centre des discussions, et qui interpellent largement, bien au-delà du cercle des seuls chercheurs. » Jules Crétois, TelQuel, n°717 du 13 au 19 mai 2016