Philosopher avec les mangas
Le professeur de philosophie franco-marocain Gatsu Sensei nous invite à prendre les mangas pour point de départ d’une réflexion sur les grands concepts. Ou l’inverse.
Simplistes, les mangas ? Vous ne les avez pas lus ! rétorquerait Gatsu Sensei, ou maître Gatsu, revendiquant du haut de ses 26 ans ce titre de Sensei qui désigne tout aîné garant d’un savoir. Gatsu Sensei a grandi à Casablanca, est passionné de Nietzsche, et a construit sa culture philosophie grâce aux « sites de streaming douteux ou [aux] DVD piratés vendus à la sauvette (les joies du Maroc) ». Naruto a été « le premier manga à [l’]avoir extirpé de [sa] caverne et forcé à cogiter ». Devenu professeur de philosophie à dans la région de Nice, il n’a de cesse d’entraîner ses followers sur ses premiers pas dans la pensée, avec un succès réel (50 000 abonnés sur TikTok, près de 30 000 sur Instagram, et une chaîne YouTube Fullmetalphilo (4 000 abonnés).
Éducation populaire
Naruto, Death Note, One Piece, Bleach, Dragon Ball, Fullmetal Alchemist… Pour que des centaines de millions de fans s’arrachent les livres et passent des heures devant les animes, c’est qu’ils touchent les imaginaires et font sens. « S’il est bien utilisé, c’est un outil pédagogique très puissant », insiste Gatsu Sensei. Il propose donc de partir du plaisir qu’ont des millions de jeunes, et des références qu’ils et elles se sont construit à travers ces œuvres pour aller vers les concepts et pour inviter à découvrir des œuvres plus classiques et plus ardues. Chaque manga est donc pris comme point de départ à une réflexion sur un grand concept de la philosophie : la justice, le bonheur, la liberté, le droit, la morale, la conscience, l’identité. Pour chaque partie, il propose une problématique, qu’il aborde en racontant comment elle se pose dans le manga analysé, puis il fait un parallèle avec les philosophes comme Platon, Aristote, Hobbes, Rousseau, Kant… (ceux qu’il est préférable de citer dans sa copie du bac…). Gatsu Sensei est aussi attentif au style du manga, il fait attention aux motifs récurrents, aux métaphores qui appuient le propos, comme celle de l’oiseau au sujet d’Eren, dans Shingeki No Kyojin. Dire qu’il a dû subir les protestations de parents outrés que ces références apparaissent en cours !
On peut aussi complètement lire ce livre dans l’autre sens, pour ceux qui ont commencé par les textes abstraits (voire arides) et qui auraient envie de plonger dans ces fictions efficaces pour revisiter les grands concepts et qui n’ont pas leur pareil pour les faire ressentir, par le biais de l’émotion, dans leur complexité.
Et vous, vous lisez quoi ?
Kenza Sefrioui
Manga philo, toute la philosophie révélée par le manga
Gatsu Sensei
L’Étudiant éditions, 144 p., 170 DH