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Chili : Un cabildo pour le livre

En pleine contestation sociale au Chili, se multiplient des initiatives citoyennes pour formuler des propositions concrètes sur divers sujets. « Les cabildos abiertos, c’étaient durant la période coloniale [XVIIe-XVIIIe siècles] des réunions extraordinaires de voisins en cas de situation d’urgence », expliquent Paulo Slachevsky et Silvia Aguilera.

Paulo Slachevsky et Silvia Aguilera

Lui était photojournaliste et elle professeure d’histoire et ils ont fondé en 1990 la maison d’édition LOM, qui signifie soleil en langue yamana, et a publié 1400 titres en sciences humaines, photo et littérature. Coordinateurs du réseau hispanophone de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, ils ont participé le 9 novembre dernier à un Cabildo del Libro.

Qu’est-ce qui vous a amené, dans le contexte que vous vivez, à décider d’organiser cette rencontre sur le livre ?

Unidad Social, organisation qui réunit de nombreuses organisations et associations sociales au Chili, a invité à organiser des cabildos abiertos autoconvoqués à travers tout le pays pour comprendre les causes de l’explosion sociale et trouver des voies de solution. Il y en a beaucoup qui ont été organisés et continuent à s’organiser, au niveau territorial et sectoriel.

Dans une assemblée convoquée par Editores de Chile, association d’éditeurs indépendants et d’universitaires, au sujet des moments qu’on vit, on a décidé de convoquer un Cabildo del Libro en invitant les divers acteurs du secteur. Plus de cent personnes sont arrivées. On a suivi la méthodologie proposée para Unidad Social : trois grands sujets, en se concentrant à la fin de chaque question sur la référence au secteur. Les questions étaient les suivantes :

  • Quelle est l’origine du conflit actuel ? Qu’est-ce qui a généré le malaise citoyen ? Quelles opportunités offre cette mobilisation nationale ?
  • Comment avancer vers plus de justice sociale à partir de cette conjoncture ? Y a-t-il de revendications prioritaires pour la citoyenneté ? Avons-nous besoin d’une Assemblée constituante pour transformer le Chili ?
  • Quel type d’actions peuvent mettre en œuvre les citoyens et les organisations sociales pour atteindre ces objectifs ?

Plus d’une dizaine de groupes de six à huit personnes ont travaillé les questions, et ensuite les coordinateurs des groupes ont présenté les conclusions à tous les participants. Elles serviront pour établir un document du secteur qui est en cours de rédaction.

Quelles en ont été les principales conclusions?

Au niveau général, la crise est le fruit d’un modèle économique, politique, social et culturel imposé par la dictature de Pinochet et perfectionné dans la post-dictature, un modèle néolibéral  basé sur des grandes inégalités. Il est fondamental de changer les bases de ce modèle, la constitution laissée par la dictature, et adopter une nouvelle constitution, à travers une assemblée constituante, qui garantisse les droits sociaux fondamentaux, qui récupère les ressources naturelles, qui assure la dignité, l’inclusion et l’équité, et qui consacre l’autodétermination des peuples indigènes.

Au niveau culturel et notamment du livre, nous voulons des politiques publiques qui passent d’une logique de consommateur de culture à une logique de sujet culturel, centrées sur la participation, la création et la production locale.  Nous voulons une défense et promotion de la diversité des expressions culturelles locales. Nous voulons une nouvelle politique nationale du livre qui accomplissent les tâches qui n’ont pas été accomplies par celle actuellement en cours, qui baisse la TVA du livre à 5 ou 6 %.

Propos recueillis par Kenza Sefrioui

18 novembre 2019