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Une affaire homophobe de trop

Depuis quelques jours, une chasse aux sorcières concernant des hommes gays a vu le jour sur les plateformes de rencontre au Maroc.

Une cabale a été déclenchée la nuit du 13 avril suite à un live de l’« influenceuse » Naoufal Moussa, alias Sofia Taloni. Cette personne de la communauté LGBTQI+, qui vit à Istanbul, incitait ses followers sur Instagram à aller sur les applications de rencontre pour découvrir les hommes gays qui se cachent derrière leurs écrans. Dans sa vidéo, elle avait aussi expliqué la démarche pour se connecter sur ces réseaux sociaux et les termes à utiliser pour piéger les utilisateurs. Sofia Taloni était connue pour ses vidéos provocatrices qui font le buzz sur les réseaux sociaux, mais elle s’est fait surtout connaître du grand public par son implication présumée dans l’affaire  « Hamza Mon Bébé ».

Le lendemain des faits, des photos de personnes présumées homosexuelles étaient partagées dans des groupes Facebook et WhatsApp accompagnées de messages diffamatoires et insultants : « Et moi qui pensais que j’étais moche, c’est parce que tous les hommes sont devenus des p**** que je ne trouve pas un mari », « Nous vivons deux pandémies en ce moment : le Coronavirus et la déviation sexuelle », « J’espère au moins qu’il me trompe qu’avec des filles ». Des commentaires sarcastiques, homophobes ont pullulé dans plusieurs groupes, dont certains comptent plusieurs dizaines de milliers de personnes, le plus souvent illustrés par des captures d’écran.

Résultat : de jeunes garçons ont été chassés de chez eux en plein confinement, d’autres subissent des violences inouïes à l’intérieur de leurs foyers et d’autres subissent un terrible chantage.

Suite à ce drame, des groupes de la communauté LGBTQI+ se sont mobilisés en toute discrétion pour mettre fin à ces actes homophobes. Ils ont commencé par inciter les utilisateurs de ces applications à cesser de partager leurs photos et de se méfier des profils douteux qui parasitent leurs espaces de rencontre. Par la suite, une campagne de signalement de l’« influenceuse » a abouti à la suppression de son compte officiel sur Instagram.

L’affaire Sofia Taloni n’est pas une première au Maroc. Depuis des années, les personnes LGBTQI+ subissent plusieurs formes de discrimination de la part des autorités et de la société. À titre d’exemple, en 2004 des citoyens marocains et espagnols présumés homosexuels ont été arrêtés. Des années plus tard, la ville de Ksar Kbir a connu une manifestation organisée par des habitants de la ville pour dénoncer ce qu’ils ont considérés comme « un mariage gay ». Plusieurs autres affaires se sont succédées au fil des années, comme celles des « lesbiennes de Marrakech » ou encore les couples de Rabat et de Marrakech.

Suite à ces affaires, une question primordiale se pose sur la protection des personnes LGBTQI+ au Maroc : Comment l’État peut-il s’engager à protéger les personnes LGBTQI+ quand une loi liberticide criminalise les rapports homosexuels ?

Sofiane H., militant LGBTQI+

Pour aller plus loin:

22 avril 2020