Intersections.ma : relire le droit marocain
La fondation Heinrich Böll Rabat vient de lancer Intersections.ma, une plateforme collaborative qui propose une relecture du droit marocain. Elle explore un certain nombre de thématiques relatives à l’accès et la protection des droits des femmes et des minorités LGBTQI+ dans le Maroc d’aujourd’hui.
Cet espace d’expression est le fruit d’un travail de plusieurs années mené par des activistes et des journalistes de multiples orientations politiques. Se voulant au carrefour de diverses théories féministes, la plateforme questionne le droit d’un pays dans lequel subsistent de nombreuses discriminations. L’objectif porté par ce média est de se pencher sur des normes juridiques qui contribuent à « la reproduction de rapports de dominations fondés sur le genre et l’ordre patriarcal ».
À travers ses illustrations très graphiques, le site nous propose une approche thématique se penchant entre autres sur la violence envers les femmes, la pénalisation de l’homosexualité ou de l’avortement. Afin de cerner finement les enjeux des différents thèmes abordés, la plateforme nous donne accès aux articles de lois marocaines qu’elle interroge ainsi qu’à la jurisprudence et qu’aux standards juridiques internationaux en vigueur. Il s’agit de déconstruire mais aussi de souligner les avancées juridiques effectuées dans certains champs comme l’entrée en vigueur de la loi sur la violence faite aux femmes le 13 septembre 2018 faisant suite à une dizaine d’années de controverse et de lutte. Également, Intersections.ma s’attache à pointer du doigt les manquements du système juridique marocain, comme l’absence d’un article de loi relatif aux féminicides, la forme de violence la plus extrême qui puisse être exercée sur une femme en raison de son genre.
De nombreux supports sont mobilisés pour nourrir cette analyse. On y trouve de courts reportages, podcasts, bandes dessinées, discussions ou entretiens. Des formats dynamiques et instructifs qui permettent d’aborder de multiples façons ces enjeux de société, sans jamais manquer de profondeur. Ces web-documentaires permettent de donner la parole à des concernée.e.s, collectif, millitant.e.s, activistes ou à un professionnel de la santé qui partagent leurs points de vue, apportant un regard personnel sur ces sujets de controverses. Cela est très bien illustré dans l’entretien de Fatima El Farissi qui, se référant aux articles de lois, à ses rencontres et à son vécu indique que certaines impasses juridiques sont corrélées à un « support légal [qui] reste globalement en faveur de l’homme sur la femme ». Une écoute et une prise de conscience semble ainsi nécessaire pour faire bouger les lignes d’un arsenal juridique encore trop défavorable aux femmes et aux minorités de genre, prise de conscience que semble vouloir assurer la plateforme Intersections.ma.
Capucine Froment