Réseau de lecture au Maroc : rendre le livre populaire
Prix national de la lecture, clubs de lecture dans les écoles, animation dans les colonies de vacances… le Réseau de lecture au Maroc mise sur la proximité pour promouvoir le livre chez les Marocains.
Devenu en quelque sorte un rendez-vous annuel du livre au même titre que le Salon du livre de Casablanca, le Prix national de la lecture, organisé par le Réseau de lecture au Maroc, a consacré cette année les meilleurs lectrices et lecteurs du pays. Cette septième édition en temps de pandémie a permis l’émergence d’amoureuses et d’amoureux de livres, à l’échelle nationale. De tous les niveaux (primaire, collège, lycée et université), leur âge varie entre 8 et 26 ans. Les résultats de la compétition ont été dévoilés début février 2021. Celle-ci s’est déroulée en virtuel, en trois phases : provinciale, régionale et nationale. « Pendant la pandémie, nous avons même amélioré le nombre des participants et recruté plus de lecteurs. Nous avons également organisé un prix du meilleur dessin, de la meilleure vidéo et du meilleur écrit sur la Covid 19, un prix de la lecture et un prix des jeunes pour les livres marocains ainsi que des rencontres avec écrivains et un événement, le livre de la semaine », souligne Rachida Roky, présidente du Réseau de lecture au Maroc.
Traditionnellement, le Prix national de la lecture est remis lors du Salon international de l’édition et du livre de Casablanca. Un salon où le Réseau de lecture au Maroc s’est distingué par sa propre programmation, mais aussi par ses enquêtes sur les habitudes de lecture des Marocains, qui montrent que si les Marocains sont très peu nombreux à lire, ceux qui aiment le livre sont de grands lecteurs et lisent aussi bien des romans que des essais en sciences humaines.
17 villes et 7 000 enfants
Depuis 2013, date de la création de l’association, Rachida Roky et les autres volontaires de l’association, des instituteurs et des professeurs en grande partie, se sont lancés dans l’aventure de rendre le livre attractif auprès des Marocains. Ils ont tout d’abord investi les écoles, collèges, lycées et universités. Aujourd’hui, le Réseau dispose de plus de 100 clubs de lecture, à Casablanca, Rabat et dans le reste du pays. « Dans chaque établissement, on organise annuellement une dizaine d’événements autour du livre : exposition de livres dans les cours, lectures à l’occasion de la journée du 8 mars, de la journée mondiale du livre le 23 avril… Nous amenons également les jeunes et les enfants dans les différents salons du livre », précise Rachida Roky.
Autre grande réalisation de l’association : l’opération « Lire, c’est voyager ». Durant les mois de juillet et d’août, en trois vagues, des enfants des colonies de vacances sont initiés à la lecture, au conte, dans les deux langues : arabe et français. Cette année, 17 villes sont concernées par cette opération : Casablanca, Nador, Berkane, Fès, El Hajeb, Ifrane, Kenitra, Skhirat, Mohammadia, Safi, Sidi Ifni, Tétouan, Asilah, El Jadida, Saadiya, Sidi Rahal et Haouzia.
L’entretien
Rachida Roky : secrétaire générale du Réseau : « La moyenne des bons lecteurs : 24 livres par an »
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à créer le Réseau ?
Nous avons remarqué que la lecture au Maroc est faible, y compris dans les universités. Des étudiants peuvent obtenir une licence sans avoir lu un seul livre. Ils ne peuvent pas citer le nom d’un seul auteur, marocain ou étranger. Et cela nous a scandalisés. Il fallait donc remédier à cette situation et créer une dynamique de lecture au niveau national. Nous avons commencé par lancer l’initiative « Une heure de lecture » à l’Université Hassan II avant de créer Le Réseau de lecture en 2013, d’abord à Casablanca et à Mohammadia puis au niveau national.
Quels sont les objectifs du Réseau ?
Tout d’abord, nous aspirons à faire changer la perception que les Marocains ont de la lecture et du livre. Le livre est dévalorisé et parfois vu comme un objet pervers. Pour cela, nous avons créé des clubs de lecture dans les établissements publics. Nous avons lancé des prix de lecture afin de rendre nos lecteurs visibles. Nous avons également multiplié les actions avec les médias. Ensuite, nous travaillons sur le plaidoyer afin d’influencer les politiques publiques en matière de lecture. Nous avons organisé en 2015 un premier colloque national sur ce sujet avec la participation des décideurs politiques. Nous en sommes sortis avec des recommandations pour les différents secteurs ministériels, prêts à être appliquées.
Les Marocains lisent peu…
Certes la majorité des Marocains ne lit pas parce qu’elle n’a pas été éduquée à l’école à la lecture. Mais ceux qui lisent lisent bien. Ils ont des lectures diversifiées : littérature, sciences humaines… La moyenne des bons lecteurs est de 24 livres par an.
Que faut-il faire pour encourager la lecture au Maroc ?
Il faut réformer l’école parce que c’est à l’école qu’on doit prendre goût à la lecture. Ensuite, les médias doivent nous offrir plus d’émissions culturelles attractives. Le ministère de la Jeunesse a aussi un grand rôle à jouer à travers le réseau des maisons de jeunesse et des colonies de vacances. Ce sont des endroits appropriés pour promouvoir la relation de l’enfant et du jeune avec les livres.
Le portrait
Mounir Neddi, président de la section de Mohammadia : Un engagé de la lecture
Originaire de la petite localité de Ben Smim, Mounir Neddi a suivi ses études dans plusieurs villes du pays : à Azrou pour le primaire, à Meknès et à Salé pour le collège et une partie du lycée. Et c’est à Bouznika qu’il a obtenu son baccalauréat avant de s’inscrire à la Faculté des lettres de Mohammadia. À 24 ans, Mounir est étudiant en Master, sur Les milieux naturels et les changements globaux. « J’ai eu la chance d’être sensibilisé à la lecture grâce à ma sœur et son amie. Cela m’a permis de connaître des univers différents et pousser un peu plus ma réflexion sur les choses qui m’entourent. » Quant à l’associatif, Mounir Neddi l’a pratiqué au sein même de l’université, notamment le travail caritatif au profit des plus démunis. Son histoire avec le Réseau a commencé en 2017. Cette année, il participe au Prix national de la lecture et décroche le premier prix, niveau université. La même année, il participe à la création du club de lecture à l’université, devient le coordinateur de ce même club et organise des rencontres avec des écrivains et penseurs connus comme Hassan Aourid et Abdelouahab Rafiki. En 2018, ce lauréat de la formation d’Openchabab sur l’égalité entre femmes et hommes, devient le président de la section de Mohammadia du Réseau, une section « 100% jeunes et qui a son actif un nombre important d’activités dont des ateliers de lecture au profit des enfants des colonies de vacances ».
Centre de qualification sociale, Mohammedia
Tel : 00 212 6 00 63 23 58