CSSF : le collège pour la fille rurale
Le Comité de soutien à la scolarisation des filles rurales (CSSF) s’est distingué depuis près de 20 ans par son programme « Une bourse pour réussir » au profit des jeunes filles des zones enclavées.
Dès sa création en 1998, le CSSF s’est fixé des objectifs clairs. « Tout d’abord, contribuer à lutter contre l’abandon et la déperdition scolaire des filles rurales, à travers le plaidoyer et des actions qui facilitent l’accès et la rétention dans tous les cycles de l’enseignement. Ensuite, soutenir et initier des actions visant l’amélioration quantitative et qualitative de l’offre éducative. Et enfin, s’appuyer sur les associations locales partenaires pour la mise en place de programmes et projets de terrain ainsi que d’actions de plaidoyer », explique Naïma Senhadji, sa présidente.
3 800 bénéficiaires
Le CSSF a lancé en 2000 son programme phare, « Une bourse pour réussir ». « Ce programme repose sur la création, en partenariat avec des associations locales, à proximité des collèges de l’enseignement public, de foyers qui accueillent des filles issues de zones fortement enclavées ou exemptes de collèges, afin de leur permettre de finir le cycle collégial. Le financement du foyer est assuré par l’octroi d’une bourse d’un montant de 500 DH par mois et par fille, qui permet de régler toutes les charges : loyer, salaires, courses alimentaires, électricité, soutien scolaire… », précise la présidente. Depuis son lancement, « Une bourse pour réussir » a bénéficié à plus de 3 800 jeunes filles, 45 foyers répartis sur 42 communes rurales et un partenariat de collaboration avec 29 associations locales.
Le CSSF s’est distingué également par le lancement de plusieurs campagnes au profit de la jeune fille rurale. En 2007, l’association déploie sa stratégie de plaidoyer avec comme slogan « Droit de la jeune fille rurale au baccalauréat ». En 2011, le CSSF lance la campagne « Agir pour Elles » avec la réalisation de spots télévisés dans les trois langues (arabe, amazigh et français) et la participation de plusieurs figures connues du cinéma et du théâtre national. Avec ONU Femmes, le CSSF réalise en 2013 une importante étude sur la scolarisation des filles rurales dans neuf provinces : Azilal, Errachidia, El Jadida, Kénitra, Khénifra, Kelaât Seraghna, Ouarzazate, Sefrou et Zagora. Ce qui a permis de réaliser un état des lieux de la scolarisation de la jeune fille rurale dans les provinces les plus précarisées du pays. Ainsi que d’autres actions de plaidoyer, de communication, de lever de fonds et de renforcement de capacités des membres des associations locales partenaires et des bénéficiaires du programme « Une bourse pour réussir ».
Dès l’annonce du confinement en mars 2020, « un suivi régulier de la situation des bénéficiaires des foyers a été assuré par le CSSF en coordination avec les associations locales partenaires. À commencer par la décision de fermer les foyers à partir du 16 mars 2020, l’envoi par les associations des frais de nourriture, sous forme de denrées alimentaires, aux bénéficiaires qui sont confinées chezleurs familles, ou encore l’achat des cartes de recharges internet pour certaines filles afin de faciliter la communication avec leurs encadrantes et d’assurer le suivi de la scolarisation à distance. » Malgré la situation, pour l’année 2020/2021, le CSSF a accordé des bourses scolaires à 150 jeunes filles rurales issues de différentes provinces et régions du Royaume réparties dans les huit foyers d’hébergement de l’association situés dans les localités suivantes : Tighassaline, Imilchil, Laraarcha, Dar Kabdani, Sidi Allal Tazi, Tatoft, Mellila et Demnate. 140 bénéficiaires des foyers d’accueil ont reçu des tablettes afin de pouvoir mieux suivre leur scolarité durant ces temps de Covid 19.
L’entretien
Naima Senhaji, présidente : l’éloignement des établissements scolaires est problématique
Parlez-moi un peu du CSSF, des conditions de sa création ?
La situation de la scolarisation des filles rurales, qui était encore pire qu’aujourd’hui durant la dernière décennie du XXème siècle, a poussé un groupe de militantes et de militants à créer le Comité de soutien à la scolarisation des filles rurales (CSSF) en 1998. Le CSSF est une association à but non lucratif, reconnue d’utilité publique depuis 2007, qui contribue à la promotion de la pleine scolarisation des filles du milieu rural. Dès ses débuts, elle s’est préoccupée de la question du décrochage scolaire des filles rurales en âge de fréquenter l’enseignement secondaire collégial. Elle a visé à la fois l’élimination des disparités spatiales (rural/urbain) et de genre (filles/garçons). Sur la base des valeurs de la participation, de l’égalité des chances, de la citoyenneté et de la culture des droits humains, le CSSF a été créé avec une vision claire : toutes les filles rurales ont accès à une éducation de qualité, sont conscientes de leur rôle dans la société et jouissent pleinement de leurs droits.
Pourquoi avez-vous focalisé sur la scolarisation de la jeune fille rurale ?
Malgré les avancées enregistrées, les résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2014 confirment les disparités, même si le taux d’analphabétisme de la population âgée de 10 ans et plus a connu une baisse, passant de 43 % en 2004 à 32 % en 2014. Ce taux est de 22,1 % pour les hommes et 41,9 % pour les femmes. Il est de 22,2 % pour l’urbain et 47,7 % en milieu rural. En milieu rural, il atteint 60,4 % chez les femmes et 35,2 % chez les hommes.
L’accès des jeunes filles de la campagne au collège pose-t-il encore problème ?
Les chiffres qui précédent démontrent bien la persistance de la déperdition scolaire des filles rurales lors du passage au collège. Ce phénomène est lié à plusieurs facteurs : l’inexistence ou l’éloignement des collèges, l’insuffisance de moyens de transport et d’infrastructures d’accueil, le nombre limité de bourses accordées par le ministère de l’Éducation nationale, auxquels s’ajoute la situation sociale précaire des familles qui constitue souvent une cause de mariage précoce ou de travail des mineures. L’éloignement des établissements scolaires est une contrainte importante à la scolarisation des filles en particulier. Les chiffres qui indiquent que quand la distance domicile-établissement scolaire est supérieure à 4 km, le taux de déperdition est de 11 % pour les garçons et de 26,3 % pour les filles.
Le portrait
Zhor Addou, ancienne bénéficiaire : Une boursière devenue enseignante
Originaire de la région de Khénifra, du village de Tighessaline plus précisément, Zhor Addou a pu poursuivre ses études, d’abord au collège, ensuite au lycée et à l’université, grâce à la bourse octroyée par l’Association sociale de développement de Tighessaline, et ce par le biais du CSSF. « J’ai bénéficié de cette bourse en 2006/2007. Cela m’a permis de passer le cap du primaire et de continuer mes études jusqu’à obtention de mon baccalauréat ». Zhor Addou obtient son bac en 2012 avec mention très bien. Elle continue ses études, décrochant en 2015 sa licence en physique à Meknès en 2015, puis sa licence professionnelle dans les métiers de l’éducation en 2016 à l’université de Fès. Depuis, elle enseigne les sciences physiques dans un collège à Oulmès, dans la région de Khémisset. « Je n’aurais jamais réussi à faire ce parcours-là sans l’appui du CSSF. Ce genre d’initiatives est indispensable pour la scolarisation des jeunes filles vivant dans les villages reculés. »
La fiche signalétique
Comité de Soutien à la Scolarisation des Filles rurales / CSSF
66, Avenue Fal Ould Oumeir, apt. 4, Agdal, Rabat
Tel : 05 37 68 07 54
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