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Dames de fraises: l’esclavage continue

Ce vendredi 31 mars, le journal britannique The Guardian, titrait « Abusive working conditions endemic in Spain’s strawberry farms, report claim ». Cinq ans après la publication de l’ouvrage Dames de fraises, doigts de fée. Les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne (En toutes lettres, 2018) de Chadia Arab, la situation socioéconomique des travailleuses marocaines dans les exploitations de fraises espagnoles semble, aujourd’hui encore, alarmante. 

Mise en place en 2006 par une convention signée entre l’Espagne et le Maroc, cette migration saisonnière cache un double objectif : lutter contre l’immigration clandestine, tout en répondant à un besoin de main d’œuvre en Espagne. Une réalité que Chadia Arab, géographe et chercheuse au CNRS intéressée par la thématique du genre dans la migration, révèle dans son ouvrage, par les biais du témoignage et de la méthode scientifique.

L’article de The Guardian fait suite au rapport « Migrants in supermarket supply chains face “horrific” conditions » publié par l’organisation Ethical Consumer en février 2023. Celui-ci alarme l’opinion publique sur les conditions abusives dont souffrent les travailleuses agricoles migrantes en Espagne, plus particulièrement dans la Province de Huelva. 

Une situation très bien documentée par Chadia Arab qui relate que ces femmes n’ont le droit ni au chômage, ni à la retraite, ni aux droits sociaux. Elles travaillent pendant huit heures par jour sous la chaleur et au contact des pesticides tout en étant exposées à des violences sexuelles de la part des employeurs. 

À ces conditions de travail difficiles, s’ajoute une situation économique précaire. Non seulement ces femmes sont sous-payées et constamment menacées d’être expulsées, mais elles sont également sélectionnées en raison de la situation économique précaire dans laquelle elles se trouvent. En atteste le témoignage de Soumia, ancienne travailleuse marocaine, interrogée par The Guardian : « We need these jobs in order to put food on the table. » (« Nous avons besoin de ces emplois pour mettre de la nourriture sur la table. ») Selon Chadia Arab, la sélection vise à choisir exclusivement des femmes dans une situation économique difficile et avec des enfants de moins de dix-huit ans, de manière à s’assurer qu’elles retourneront au Maroc.

Ainsi, malgré les engagements des politiques publiques à résoudre ce problème, la migration circulaire dans laquelle les femmes marocaines sont les grandes oubliées, reste un fléau qu’il est urgent de combattre. 

Pour en savoir plus sur ce sujet, nous vous invitons à lire la deuxième édition augmentée de Dames de fraises, doigts de fée. Les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne (Chadia Arab, janvier 2023, En toutes lettres).

Lise Loyer

3 avril 2023