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Fatna Ikrame El Fanne: une femme face au changement climatique

Fatna Ikrame El Fanne

Au Maroc, une figure jeune et féminine est en train d’émerger dans le registre de la lutte contre le changement climatique. Fatna Ikrame El Fanne est une Casablancaise de 23 ans, qui dédie aujourd’hui une bonne partie de son emploi du temps aux combats environnementaux. Ikrame a très tôt pris conscience de l’importance de la cause verte. D’abord, grâce à sa grande sœur qui a fait un doctorat sur les changements climatiques et était très active dans les clubs de l’environnement à l’université, puis au sein d’associations. Ensuite, ce sont ses choix d’études qui lui ont ouvert les yeux sur l’urgence climatique. « Je suis en train de terminer des études d’ingénierie en gestion de l’eau et de l’environnement à l’Université Mohammed V à Rabat. Après tout ce que j’ai appris sur le sujet, je ne pouvais pas rester les bras croisés. » De nature curieuse, elle constate aussi que le changement climatique impacte durement la vie des gens, surtout des plus précaires. Cela va de la migration interne et externe au décrochage scolaire, en passant par le mariage des mineurs, le travail précoce et la violence contre les femmes. 

Le covid, un déclencheur…

Il fallait donc travailler à une plus grande justice climatique pour toutes et tous : « Le changement climatique, un moteur de plus en plus puissant de la migration, continue de contraindre des millions de personnes à quitter leur foyer chaque année. Selon le dernier rapport Groundswell publié par la Banque mondiale, le changement climatique pourrait contraindre 216 millions de personnes dans six régions du monde à se déplacer à l’intérieur de leur pays d’ici 2050. » En pleine pandémie de covid 19, elle décide avec six autres amis de la nature, de lancer le Mouvement Jeunesse pour le climat au Maroc, afin de mettre les jeunes à contribution dans cette mission de lutte contre le réchauffement climatique. « On a tous vu comment la terre a bénéficié du confinement et de l’arrêt des activités industrielles et de transport. Nous avons organisé des meetings online sur le sujet. On était de plus en plus nombreux à participer. Et c’est là que l’idée de créer une structure associative nous est venu », explique-t-elle.

Très vite, le Mouvement Jeunesse pour le climat au Maroc s’est fait connaître, à travers d’abord une présence sur les réseaux sociaux, où les jeunes se trouvent, via un travail de sensibilisation et d’information sur les grands enjeux environnementaux du Maroc. Le sujet de la rareté de l’eau s’est imposé d’emblée : « Au cours des 10 dernières années, le Maroc est passé du stade de la pénurie d’eau à une situation de stress hydrique extrême, et la recherche a montré que le Maroc perdra 30 % de ses ressources en eau par an d’ici 2050. L’état actuel des ressources en eau est en moyenne de 150 milliards de mètres cubes de précipitations, tandis que 120 milliards de mètres cubes s’évaporent. La consommation annuelle mondiale d’eau est de 1 000 mètres cubes par personne, la consommation annuelle d’eau au Maroc ne dépasse pas 600 mètres cubes par personne. Bien qu’au cours des 4 dernières années, les taux de remplissage des barrages au Maroc ont diminué de 62 % en 2018 à 12,7 % cette année (2022). » Un sujet qu’Ikram et ses complices au sein du Mouvement ont à cœur à communiquer au plus grand nombre. Car le challenge pour le pays est énorme, surtout pour les générations futures. « Au Maroc, les tendances climatiques futures prévoient une augmentation des températures de 1 à 1,5 °C d’ici 2050 et une diminution des précipitations moyennes de 10 à 20 % dans tout le pays. Cela entraînerait une augmentation des sécheresses, ce qui aurait un impact sur le secteur agricole. Cela aurait à son tour un impact sur l’économie marocaine puisque les activités agricoles et agroalimentaires au Maroc génèrent plus de 30 % des emplois. »

La sensibilisation par l’information

Le Mouvement Jeunesse pour le climat au Maroc s’investit dans la sensibilisation sur la rareté de l’eau, mais aussi dans d’autres dossiers comme la gestion des déchets ou le traitement des eaux usées. « Si on informe les jeunes et on les sensibilise à toutes ces questions, ils seront le levier du changement dans ce pays. C’est notre premier challenge au sein du Mouvement. » Mis à part ce grand dossier de la sensibilisation par l’information, Fatna Ikrame El Fanne et ses complices du Mouvement se distinguent par un travail de proximité visant les communes et les préfectures. « On travaille avec la jeunesse locale afin d’élaborer des solutions adaptées aux régions ciblées. À Aïn Atik, nous avons élaboré des recommandations concrètes pour passer à une ville durable que l’on a soumis aux autorités. » Le Mouvement Jeunesse pour le climat au Maroc a également lancé des programmes d’entreprenariat vert, « à travers des boot camps de développement d’idées de projets à fort impact environnemental. »

Des actions et un engagement qui a fait de Fatna Ikrame El Fanne une figure proue de l’action pour le climat à l’échelle du continent africain. Elle a été choisie par Green Peace comme une des dix jeunes militantes de l’Afrique. Elle participe régulièrement à des événements sur le climat, comme début novembre 2022 à la COP 27, la plus grande et la plus importante conférence de jeunes liée aux processus multilatéraux des Nations unies sur le climat, qui s’est tenue à Sharm El Sheikh, en Égypte.« La voix de l’Afrique doit se faire entendre car ce continent qui impacte le moins l’environnement, subit le plus le changement climatique. Il faut donner aux pays les plus précaires les moyens nécessaires pour réussir leur transition écologique. »

Hicham Houdaïfa



Ce reportage a été réalisé dans le cadre de MediaLab Environnement, un programme conçu par CFI financé par le Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. MediaLab Environnement s’inscrit dans la stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme.


Journaliste depuis 1996, Hicham Houdaïfa a travaillé notamment au Journal hebdomadaire. Il s’intéresse essentiellement aux sujets sociétaux : liberté de culte, droits des femmes, situation des migrants subsahariens… Cofondateur d’EN TOUTES LETTRES, il dirige la collection Enquêtes. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages parus chez EN TOUTES LETTRES : Dos de femme, dos de mulet, les oubliées du Maroc profond (2015), Extrémisme religieux, plongée dans les milieux radicaux du Maroc (2017, prix spécial du jury du prix Grand Atlas 2017) et Enfance au Maroc, une précarité aux multiples visages (2020). Il a contribué aux ouvrages collectifs Migrations au Maroc : l’impasse ? (2019) et Maroc : justice climatique, urgences sociales (2021).

21 novembre 2022