La vie sans entrave
La judokate marocaine Asmaa Niang se confie sur son parcours de combattante, tout en volonté et en résilience.
Sur la couverture du livre, elle pose, le corps sillonné de cicatrices aux reflets dorés. Sa personne, son être entier, Asmaa Niang les a traités avec l’art du kintsugi, cette méthode japonaise qui sublime les porcelaines brisées en soulignant les lignes de fractures d’une laque rehaussée de poudre d’or. À 41 ans, elle est championne de judo. Médaille d’or des Jeux panarabes en 2011, championne d’Afrique en 2013, médaille d’or aux Championnats d’Afrique en 2016, en 2017, 2018 et 2020. Mais pour réaliser ce rêve, pour surmonter les blessures personnelles et les assignations limitantes, que de force de caractère. Sa conclusion, en partage : « Tant que je peux rêver mon avenir, je vivrai. »
Une « autolettre d’amour »
Le livre qu’elle publie aux éditions Faces Cachées, qui donne voix à celles et ceux assignés en France au silence et à l’ombre, est à la fois un récit autobiographique et un livre de développement personnel. Asmaa Niang revisite les moments clefs de son parcours trop souvent douloureux. Le départ de sa mère, sans explication, alors qu’elle n’avait qu’un an. L’injonction de son père quand elle en avait dix : « Courez ! » Elle comprendra qu’elle traversait clandestinement la frontière maroco-algérienne. Un second abandon. Les retrouvailles avec sa mère. L’arrivée en France sans parler un mot de français. Une troisième séparation, d’avec sa sœur majeure, sa protectrice. La ségrégation et les assignations (à la cuisine…) Puis la survie par le sport – le judo, découvert à 20 ans dans un dojo. Malgré l’odeur repoussante et la tenue désagréable, les mots qui libèrent : « Tu peux aller très loin dans ce sport. »
En douze sections, Asmaa Niang décode les enjeux de chaque étape de sa vie, et explique comment elle a surmonté chaque épreuve. Ce livre est une leçon d’exigence et de droiture. Asmaa Niang y rend de généreux hommages aux figures qui lui ont permis de passer des caps : « Chacune de ces personnes a été une étoile dans mon firmament. »
Asmaa Niang porte aussi un regard lucide sur ses sociétés. Marocaine de mère et sénégalaise de père, elle n’a pu obtenir la nationalité marocaine qu’après la réforme du code de la famille, alors qu’elle était née à Casablanca. Elle a subi la violence d’une polygamie encore tolérée. En France, c’est au racisme et au sexisme qu’elle a été confrontée. Y compris dans la caserne de pompiers où elle pensait partager « la même philosophie de vie » : « Ce qui a été très paradoxal, d’ailleurs, c’est de constater que ces collègues, capables des pires insanités racistes, se montraient les meilleurs éléments sur le terrain, oubliant leurs convictions et embrassant totalement le code. » La finalité de cet ouvrage, insiste-t-elle, c’est autrui. Sa thérapie, elle l’a menée. Aujourd’hui, Asmaa Niang se veut « guérisseuse » : « Je ne cherche pas à me soigner à travers l’autre. Je veux le/la soigner. » Elle partage ses conclusions, ses lectures et autres références pour qui se reconnaîtrait dans le point abordé puisse faire son propre chemin.
Et vous, vous lisez quoi ?
Kenza Sefrioui
À bras le corps, une odyssée de résilience olympique
Asmaa Niang
Faces cachées, 200 p., 200 DH