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Retour du SIEL 2025

Du 17 au 27 avril s’est tenu à Rabat le Salon international de l’édition et du livre. Les organisateurs se félicitent d’un nombre record de visiteurs (plus de 400 000), de livres exposés (plus de 100 000 titres), etc. Il s’agissait du dernier salon avant que Rabat soit, à partir d’avril 2026, capitale mondiale du livre de l’UNESCO. Au-delà de cette communication quantitative et des autocélébrations de circonstance, plusieurs éléments méritent d’être relevés en vue d’une indispensable mise à niveau.

  1. Les tarifs pratiqués (près de 10 000 dirhams pour un stand de 12 m2) rendent inaccessible la principale manifestation du pays à nombre d’éditeurs ou les obligent à faire une demande de gratuité – c’est ce qu’a fait En toutes lettres a fait il y a plusieurs mois, sans que le ministre ni la directrice du Livre ne prennent la peine de répondre, même négativement.
  2. L’absence de transparence dans l’attribution des espaces. Des stands ont été attribués à des structures qui ne vendaient pas de livres mais des crayons, des cahiers, des tableaux et autres articles de papeterie, tandis que des librairies ont été placées sur liste d’attente au motif qu’il n’y aurait pas assez de place.
  3. Une logique mercantile : aux stands institutionnels, les plus grands espaces, situés à l’entrée du salon. Pour les éditeurs, il fallait aller tout au bout de la foire.
  4. L’approche strictement événementielle de la manifestation, captant l’essentiel des budgets publics au détriment d’une politique publique durable en faveur du livre et de la lecture, en particulier pour le développement d’un réseau de bibliothèque. Or c’est précisément une des premières préconisations de l’Unesco, « promouvoir le livre et la lecture pour tous les âges et tous les groupes, à l’intérieur et au-delà des frontières nationales, et organiser un programme d’activités pour l’année ».
  5. L’absence d’une véritable programmation. Chaque espace fait la sienne, la communication est faite au mieux une semaine avant la manifestation, rendant impossible à un public de non initiés d’avoir une vue d’ensemble, d’en prendre correctement connaissance et d’en bénéficier. Sans parler de la qualité plus qu’inégale des propositions.
  6. Le deux poids, deux mesures : les modérateurs résidant au Maroc sont payés moins que les modérateurs (Marocains ou autres) résidant à l’étranger, pour un travail identique. Le ministère n’a jamais répondu à notre demande d’explication.
  7. L’absence de prise en compte de la dimension écologique : des kilomètres carrés de bâches qui vont être détruites après le démontage, des climatisations à fond dans les salles de conférences, et surtout des doubles voyages imposés à tous les exposants et invités qui doivent passer par l’aéroport de Casablanca.
  8. Des cas de censure, avec l’annulation de plusieurs dédicaces.

Comment célébrer une fête du livre dans ces conditions ?

Car c’est une fête que devrait être le SIEL. Ça l’a certes été pour le Collectif de la nouvelle édition marocaine dont En toutes lettres fait partie, et qui a partagé joyeusement et efficacement un stand (notre retour en vidéo).

Mais au-delà de ces dix jours de moussem, nous gardons en tête les préoccupations de nos concitoyens qui étaient beaucoup plus nombreux que les années précédentes à ne pas pouvoir envisager d’acheter un livre.

ETL

6 mai 2025