sun/sun : Casa Palimpseste
Casablanca, quartier du Triangle d’Or. Un petit groupe de personnes s’installe de bon matin dans les locaux de la galerie CDA. Ils ont entre 26 et 70 ans, habitent tous à Casablanca et ont répondu à un appel sur les réseaux sociaux qui cherchait les « faiseurs d’histoire » de la ville pour un projet de résidence développé entre la maison d’édition française sun/sun et l’Atelier de l’Observatoire.
Parmi eux, Céline Pévrier et Angélique Joyau, les deux éditrices qui ont lancé l’appel et qui ont organisé cette série de 3 ateliers du 4 au 10 décembre 2019.
C’est le deuxième atelier de la série, tout le monde se connaît déjà : les échanges sont chaleureux et animés. La séance dernière, les deux organisatrices ont demandé à chaque participant d’amener un objet ou une photo qui représente Casablanca de leur point de vue personnel. Les histoires personnelles, souvenirs, anecdotes emplissent la salle. Un appareil photo et un dictaphone circulent, pour ne perdre aucune miette de ce qui est en train de se passer.
Pendant quelques heures, les protagonistes racontent et démêlent les ressentis, les images, les sons, les sensations que leur renvoie cette ville qu’ils aiment et détestent. Petit à petit, le tableau se remplit et la cartographie directement inspirée de ces imaginaires se devine. Le but : établir une carte sensible de Casablanca.
Sun/sun, basée à Montpellier, est spécialisée dans les livres photos, les objets graphiques hybrides et la poésie.
Ces ateliers font partie de la résidence organisée avec l’Atelier de l’Observatoire autour de leur projet Casa Palimpseste, développé depuis le début de l’année 2019.
D’autres ateliers auront lieu à Casablanca en février puis en juin 2020 dans le cadre de ce même projet.
En toutes lettres a interviewé Angélique Joyau et Céline Pévrier après l’un de ces ateliers.
Pouvez-vous vous présenter et présenter le projet Casa Palimpseste ?
Angélique Joyau : Je m’appelle Angélique Joyau. sun/sun a été crée en 2015 par Céline Pévrier, je me suis jointe à l’aventure assez vite et nous développons à Casablanca depuis février 2019 un projet qui s’appelle Casa Palimpseste et qui s’étendra jusqu’à septembre/octobre 2020.
Il s’agit d’une exploration des imaginaires de Casa, une exploration des imaginaires liés au territoire. Nous rencontrons des faiseurs d’histoire professionnels ou non qui nous confient leur récits. Ces récits peuvent être oraux, écrits, peuvent être aussi des visuels et que nous collectons avec lesquels nous allons construire ce que l’on appelle une carte sensible.
Céline Pévrier : À travers la carte sensible, il s’agit de faire dialoguer les différents imaginaires de Casa que nous rencontrons à travers des évocations sensibles. On n’est pas dans le cadre d’une carte topographique ou géographique mais on cherche vraiment à aller dans les ressentis, de mêler fiction, réalité, limites, une évocation, une odeur, une musique, une histoire… Et comme le disait Angélique, ça sera sous différentes formes. La carte sera composée de sons, d’images, d’articles de presse, d’objets, de photographies, de schémas. Cette conception sera développée dans le courant de l’année 2020. Cette idée c’est de donner la parole aux Casaouis, que ce soit les Casaouis de souche ou les gens qui la traversent, toutes ces personnes étant l’âme de Casablanca. On part du principe que la mémoire ne se trouve pas forcément dans les bâtiments mais dans l’âme de la ville et dans ceux qui la font et ceux qui la traversent.
Pourquoi le nom Casa Palimpseste ?
CP : Le palimpseste évoque les manuscrits où quand on manquait de papier, on réécrivait des notes, des histoires, des carnets de contes sur les mêmes supports. Petit à petit, le palimpseste évoque les différentes couches d’histoires comme dans les murs d’affiches en ville : il y a différentes affiches (campagnes électorales, concerts, publicité…). Avec le temps et les éléments (le soleil, la pluie, les passants qui peuvent en arracher un bout), ces dizaines et dizaines d’affiches recréent un autre message, par le hasard ou la main de l’homme. Par l’intermédiaire du soleil, du temps qui passe, il peut y avoir un bout de message mélangé avec un autre, une main avec un sourire par exemple et il y a un autre message. Le fait d’appeler ce projet Casa Palimpseste était déjà pour évoquer dans le nom cette idée que Casa est composée de différentes couches historiques mais aussi de toutes ces mémoires, ces imaginaires qui composent la ville. Il n’y a pas un seul récit qui peut définir Casa, ce n’est pas une page Wikipédia, un Google ou une idée de carte postale. L’idée est de voir Casa comme objet et d’éclairer ses différents prismes.
Quelle forme et médiums seront utilisés pour ce projet ?
CP : Comme nous l’avons évoqué cela prendra la forme d’une carte sensible. On la compose comme on pourrait composer un livre : il y a des choix éditoriaux et différents médiums, à la différence d’un livre qui est un codex, où l’on passe d’une page à une autre. Ici l’idée est d’avoir une carte au mur avec des images, des sons, des extraits de journaux, des retranscriptions d’entretiens, des objets, des schémas…
Pour finir, pourquoi Casablanca et pas une autre ville ?
CP : Casablanca, on ne l’a pas choisie mais c’est elle qui nous a choisies. On est venues ici dans le cadre professionnel pour des rencontres dans le cadre de notre métier d’éditrices en 2019 et Casa a fait une effraction douce dans nos vies. Elle s’est imposée et on a eu cette envie de dériver dans la ville, de s’y perdre… et c’est ce à quoi nous sommes à l’œuvre.
Propos recueillis par Éléonore Abbas
Photos prises par Céline Pévrier