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Insaf : Dignité pour les mères et les jeunes filles

Depuis sa création, Insaf milite pour les droits des mères célibataires et contre l’abandon des enfants. Elle lutte également contre le travail des petites filles.

Installée depuis près de vingt ans dans le quartier casablancais de Hay Lkhadir, Insaf vient de changer de locaux. Au début de l’année 2019, l’équipe d’Insaf a pris ses quartiers dans un nouveau établissement situé à Hay Adil : un grand centre de 2 150 m2 réparti sur quatre étages, construit grâce à l’apport de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH).

L’Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) a été pendant longtemps la seule structure nationale à héberger les mères célibataires à la recherche d’un lieu où elles peuvent bénéficier de l’aide et passer en sécurité leurs dernières semaines de grossesse. Une fois acceptée par Insaf, la future mère bénéficie ainsi d’une batterie de services : hébergement bien sûr, mais également accompagnement administratif, juridique, médical et psychologique, ainsi que la médiation familiale.

 

Insaf s’est également investie, les premières années de son existence, dans des actions au profit des femmes en prison. « Dans la prison casablancaise d’Oukacha, nous avons initié une série d’actions au profit des femmes détenues : de la création d’un salon de coiffure à la distribution de réfrigérateurs dans les cellules des femmes en passant par l’installation d’un jardin d’enfants avec des jeux pour les petits enfants des prisonnières », se rappelle la présidente d’Insaf, Meriem Othmani. Insaf et d’autres associations comme Solidarité féminine ont défendu ces mères célibataires à un moment où ces dernières risquaient de se retrouver en prison tout de suite après l’accouchement, tandis que le nouveau-né n’avait le droit à aucune existence légale.

Chichaoua, Haouz…

Autre champ d’action d’Insaf : la sortie du travail domestique, la protection, la réinsertion en famille et à l’école et le suivi social et pédagogique des petites bonnes. Insaf a introduit le système du parrainage, pour accompagner l’enfant de son retrait du travail jusqu’à la fin de ses études. L’association prend ainsi en charge la scolarité de la petite fille ainsi qu’une bourse mensuelle pour les parents. Des centaines de filles ont ainsi réintégré familles et écoles à Chichaoua, Imintanout, Kelaat Sraghna et dans le Haouz. Autant dire les régions les plus pourvoyeuses de petites bonnes du Maroc. « Nous avons pu récupérer des petites filles qui travaillaient dans les maisons. Nous les avons rendues à leurs parents et nous leur avons demandé de les mettre à l’école en contrepartie de 250 dirhams par mois. Nous avons suivi leur scolarité, appuyée par du soutien scolaire quand il le fallait et ce, jusqu’à l’obtention du baccalauréat », conclut Meriem Othmani.

 

L’Entretien
Meriem Othmani, présidente : « Il faut lutter contre les samsara »

Meriem Othmani

Parlez-nous de la création d’Insaf et de ses débuts.

En 1999, l’association suisse Terre des Hommes recherchait des membres de la société civile pour prendre la suite de leur programme sur les mères célibataires à Casablanca et à Agadir. C’est ainsi qu’Insaf a vu le jour. Au départ, Insaf soutenait principalement les mères célibataires et les femmes dans les prisons. Puis en 2002, nous avons intégré un ambitieux programme pour lutter contre le travail des petites bonnes, des filles exploitées à partir de l’âge de six ans.

Où en est-on dans le combat pour plus de dignité pour les mères célibataires ?

Nous devons toujours lutter et essayer de convaincre car la société est toujours aussi intolérante. Les mamans sont toujours rejetées même si elles ont été victimes de viols. Nous essayons de leur redonner confiance en elles, en leur prodiguant des cours de développement personnel. Seul le travail les aidera à retrouver leur dignité et leur indépendance.

Comment a évolué le dossier des domestiques mineures ?

Nous avons dix anciennes petites bonnes qui passent le bac cette année. Nous n’en avons sauvé que 400. Nous aurions pu en sauver plus si nous avions pu obtenir l’aide des agents d’autorité. Un grand travail reste aussi à faire pour contrer les samsara. Actuellement, seuls les instituteurs nous signalent les cas des petites filles qui quittent l’école pour aller travailler comme petites bonnes en ville. La prise en charge des petites bonnes dépasse les dix ans. Ce qui nécessite de trouver toujours plus de parrains.

Quels sont vos futurs projets ?

On va lancer des programmes pour lutter contre le mariage précoce. Nous travaillons pour permettre à nos bénéficiaires de devenir des auto entrepreneuses en leur facilitant le financement de leurs projets avec des micro-crédits. On veut également créer des activités génératrices de revenus qui pourront faire vivre ces femmes, leur chercher des opportunités dans le développement durable et intégrer des mères célibataires subsahariennes dans tous nos programmes.

Le portrait
Omar Saadoun, responsable de la lutte contre le travail des enfants : L’homme de terrain

Omar Saadoun

Tout ceux qui ont travaillé sur la problématique des domestiques mineurs connaissent très bien Omar Saadoun. Et pour cause : c’est lui et son équipe qui ont mis en place le programme Insaf de lutte contre le travail des filles mineures dans les localités les plus précarisées du pays, à Chichaoua, Kelaat Sraghna, Imintanout et El Haouz. Grâce en grande partie à son investissement, 450 filles ont été accompagnées et parrainées. Elles ont retrouvé le chemin de l’école.

Omar Saadoun est dans le social depuis son enfance. Il a travaillé en tant que bénévole dans bon nombre d’associations. Après avoir obtenu sa licence, il a été durant les années 1990 un des premiers éducateurs de rue au Maroc, à Terre des hommes, à L’heure joyeuse et enfin à Bayti. À un moment où le sujet était encore tabou, Omar Saadoun a contribué à créer le programme national de rue en vue de la réinsertion des jeunes. À Insaf, il a continué son travail qui donne à des centaines de filles du Maroc profond la possibilité de rêver d’un avenir meilleur…


La fiche signalétique

INSAF, association reconnue d’utilité publique

Rue 5 Hay Adil Roches Noires Casablanca

00 212 5 22 90 74 30


Hicham Houdaïfa

24 novembre 2020