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Les Marocains et le travail

Le livre blanc publié en 2018 par Economia et la Fondation Friedrich Ebert analyse la relation des Marocains au travail salarié. À relire.

Ouvriers, cadres managers, travaillant dans l’industrie ou les services, ils et elles ont contribué à l’étude menée, par des chercheurs en droit, sociologie, psychologie, gestion des ressources humaines etc., sous la direction du HEM Research Center de 2015 à 2018, dont le but était de « contribuer à ce que la question de la création de sens, de reconnaissance et de valorisation des travailleurs soit prise plus au sérieux comme un moteur non seulement de compétitivité économique, mais également d’un meilleur devenir ensemble ». Cinq ans plus tard, cette étude mérite d’être relue tant son postulat est encore d’actualité. Driss Ksikes, son coordinateur avec Rachid Filali Meknassi, écrit en préface que « les entreprises, au Maroc, ne peuvent devenir une locomotive économique performante sans des travailleurs décemment traités, considérés comme des acteurs pensants et agissants, source d’innovation, parties prenantes de la gouvernance et de la vie de leurs organisations. » On en est loin…

Redonner sens

Les auteurs s’inquiètent notamment de méthodes archaïques recouvertes d’un vernis de modernité et de la prégnance de la rente. Une première partie théorique porte sur l’évolution du concept même de travail et sur ses multiples dimensions (économiques, symboliques, sociales…) : khedma, au sens de service ou de prestation, est apparenté à khaddame, le prestataire mais aussi le serviteur. Plus de 80 entretiens semi-directifs ont été réalisés en milieu urbain (Casablanca, Rabat et Tanger) et portant sur la signification, l’orientation donnée au travail et la cohérence exprimée par l’individu quant à son expérience subjective du travail. Pour l’écrasante majorité, le travail est avant tout un emploi, pour garantir son indépendance économique et aider sa famille, avant d’être un moyen de s’affirmer dans la société. La rémunération induit en effet la sécurité, non seulement matérielle mais aussi psychologique. C’est aussi une source d’énergie et cela permet de tisser des relations. La dimension d’épanouissement et d’affirmation de soi est amplement formulée. Mais beaucoup est à faire en termes d’amélioration des conditions de travail et de management. Plusieurs portraits, signés Hammad Sqalli, coordinateur de la chaire Gouvernance et transformation des organisations à HEM, rendent compte de la subtilité des situations au delà des chiffres. La 3ème partie tire les conclusions de l’étude, en nuançant les postulats à partir des réponses obtenues, et en formulant des propositions pour une meilleure gestion des organisations, en insistant notamment sur la reconnaissance et la valorisation de l’intelligence de groupe, ainsi que sur la nécessité de repenser le leadership. Une étude éclairante.

Pour aller plus loin, lisez l’interview de Hammad Sqalli ici.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Sens et valeurs du travail chez les salariés marocains
Collectif ss. dir. Rachid Filali Meknassi et Driss Ksikes
Economia / HEM Research Center et Fondation Friedrich Ebert, 2018, 136 p.
, en ligne ici.

19 mai 2023