Édition,
investigation
et débat d'idées

Liberté, nous écrivons tes noms

Pour sa septième livraison, la revue Apulée explore en poésie, en nouvelles, en photos et en traductions les mille avatars de la Liberté.

« La défense des libertés passe assurément par l’exaltation de la Liberté, seule dimension a priori dont l’existence réellene tient qu’à notre volonté », rappelle Hubert Haddad, rédacteur en chef de la revue annuelle Apulée qui doit son nom à l’auteur amazighe de L’Âne d’or, ou les Métamorphoses. Et c’est justement sur le pluriel qu’il insiste, « le pluriel de la vie donnant sens et visage à la singularité du concept » : « Pas de libertés sans Liberté, et inversement ». Le sujet est d’actualité : « La grande perturbation à la fois écologique, sanitaire, financière, migratoire, politique et sociale, potentialisée par le terrorisme global et l’exacerbation aveugle des nationalismes bellicistes, semble donner toute latitude aux pouvoirs étatiques pour mettre à mal le pacte démocratique : une sorte de régime de guerre autoproclamé entérine les pires reniements des chartes constitutionnelles, instituant ainsi à moyen terme et sans vrai contrôle une technologie quasi incontournable de la surveillance dont le corollaire serait la mise en coupe, voire l’annihilation consentie ou imposée, d’à peu près toutes le libertés individuelles. » Sombre et juste constat, servant de cadre à l’invitation faite à près d’une centaine de contributrices et de contributeurs à déployer les nuances de la liberté. Et la richesse et l’espoir sont au rendez-vous.

Au cœur du pacte démocratique

De bouleversants appels à la vie, qui font de la liberté la seule cause pour laquelle il est digne de mourir, comme l’affirme le poète soudanais Abdelwahab Youssef. Une lettre ouverte du leader kurde Selahettin Demirtas, écrite depuis la prison. Une réflexion profonde du philosophe canadien Alain Deneault, qui a fait l’expérience de la censure, avec le procès intenté à sa maison d’édition Écosociété, pour son essai Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique(2018), qui fait un tour d’horizon du concept, dans ses acceptions économiques, jusqu’aux libertés académiques. Un remarquable dossier est consacré à la résistance kurde, coordonné par Delphine Durand. Dans un autre, rassemblé par Lise Gauvin, on revient sur l’œuvre majeure d’Édouard Glissant, pour « interroger les devenirs de l’humanité ». Patrick Chamoiseau salue le penseur antillais comme un forgeur de « poécept », ce « big bang générique » où le cri est outrepassé par la construction d’une parole porteuse d’effusion autant que de concept. À lire aussi un hommage à Kateb Yacine, « l’éternel perturbateur », et à la tranquillité d’Albert Cossery, une exploration de « l’énigme Yambo Ouologuem ». On va au Québec, en Iran, au Soudan, à Lisbonne et à Oran… En clôture du numéro, le réseau Endangered Humanities propose une expérience de traduction du poète indien Gauhar Raza de l’ourdou en anglais, afrikaans, français, arabe et turc… Des récits de résistance, de douleurs et de joies qui dessinent les contours et disent le rayonnement de la liberté.

Rendez-vous en mai pour le prochain numéro, dédié aux grandes espérances…

En attendant, vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Revue Apulée
Collectif
Zulma, 380 p., 32 € / 420 DH

7 avril 2023