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Margines : déchet toxique, trésor biologique

C’est quand l’automne laisse place à l’hiver que l’olivier affiche ses plus belles parures : des fruits bien charnus qui se transforment en une huile des plus gouteuses. Sauf que ce processus produit aussi beaucoup de déchets polluants : les margines et les grignons. Depuis peu, des efforts sont consentis pour valoriser ces déchets afin de leur donner une seconde vie… plus honorable. Reportage transversal au Maroc et en Tunisie.

Maroc : la prise de conscience

Des bassins de séchage pour éviter la catastrophe écologique

Il s’appelle Jamal Ouaamar. Il y a deux ans, cet ancien ouvrier du bâtiment a installé son huilerie au milieu d’une oliveraie dans sa campagne natale près de Zaouiat Cheikh, dans la province de Khenifra. Il s’agit d’une unité traditionnelle dite à trois phases : elle produit de l’huile d’olive, des margines et des grignons. Quelque 11 000 unités comme celle-ci existent au Maroc, contre un peu plus de 10 000 unités modernes et semi-modernes.

Bassin de séchage des margines à Zaouiat Cheikh

Chez Jamal, les fruits sont broyés sous de grandes roues en pierre pour obtenir une pâte. Celle-ci est ensuite placée dans des disques en fibres pour séparer la phase liquide de la phase solide. Le liquide est ensuite filtré : l’huile est emprisonnée dans une cuve tandis que l’eau, appelée margine, finira beaucoup plus loin. À plus de 300 mètres de l’huilerie, un canal déverse cette eau noirâtre dans un bassin recouvert de plastique qui permettra aux margines de sécher pendant 3 mois. « Je n’aurais pas pu travailler sans ce bassin, d’autant plus qu’il y a un barrage pas loin où vivent des poissons, si je déverse les margines dans le lac, cela nuirait à l’environnement » nous explique-t-il.

Jamal Ouamar

Des bûches artificielles à base de noyaux d’olives

La région de Béni Mellal assure presque 20 % de la production nationale d’huile d’olive. En haut des montagnes, dans la commune d’Ait Aatab, se trouve le siège d’un groupement d’intérêts économiques constitué de six coopératives agricoles. Depuis 2017, l’huile d’olive Ait Aatab est une appellation d’origine protégée (AOP).

Les 600 agriculteurs membres du groupement utilisent une unité de trituration à la pointe de la technologie et respectueuse de l’environnement, car elle ne produit pas de margines, seulement des grignons d’olives humides, qui seront non pas jetés mais recyclés.

Bassin de séchage de grignons humides dans une unité de trituration moderne à Ait Atab

Après avoir séché à l’air pendant plusieurs mois, les noyaux d’olives sont transformés en buches artificielles dans une petite usine installée sur les lieux. 600 tonnes de ce bois de chauffage artificiel sont produites chaque été. Ces bûches se négocient à 1,20 dirham le kilo, soit à peu près le même prix qu’un bois de chauffage traditionnel. Mais, selon El Houssein Mechach, président du groupement d’intérêt économique Ait Aatab, « un kilo de bûches de noyaux d’olives équivaut à deux kilos de bois traditionnel. C’est pour cela que nous visons, dans une première étape, les écoles. Les enfants comprendront qu’il y a une alternative écologique au bois de chauffage traditionnel ».

El Houssein Mechach

Les grignons d’olives, aliment pour le bétail

La pratique n’est pas nouvelle, mais l’Institut national de recherche agronomique (INRA) de Béni Mellal l’a développée pour la rendre plus rentable. C’est ainsi que des tests ont débuté en laboratoire en 2013. « L’expérience est d’autant plus importante que le prix des matières premières a flambé sur les marchés mondiaux », nous confie Mohammed Benbati, chercheur en production animale à l’INRA.

Mohammed Benbati

Aujourd’hui, trois éleveurs de la région de Beni Mellal ont adopté ce régime dont AlMahjoub Fatin. D’après ses comptes, il réalise des bénéfices importants de l’ordre de 2 dirhams pour chaque kilo de viande produit.

AlMahjoub Fatin

Dans son laboratoire à l’agropole de Béni Mellal, Kawtar El Fazazi, chercheuse en sciences et technologies alimentaires, a évalué la qualité de cette viande après l’abattage. « Nous avons évalué le goût auprès d’un panel de dégustateurs mais aussi l’odeur, la qualité biochimique, et la stabilité après conservation. Cela a donné de très bons résultats », nous dit-elle.

Kawtar El Fazazi

Les margines dans les champs comme fertilisants et désherbants

Le leader national en matière d’oliviers est la région de Fès-Meknès. Sa production d’olives l’année dernière avoisinait les 40 % du total national. Dans cette région agricole par excellence, les recherches se multiplient sur le traitement des margines afin d’en faire un fertilisant bio.

À l’INRA de Meknès, Rachid Razzouk travaille sur les arbres fruitiers, y compris l’olivier. Avec ses collègues chercheurs, ils ont identifié des régions pauvres en matière organiques qui pourraient couvrir une partie de leurs besoins par les margines. Mais il nous explique qu’il y a des précautions à prendre : « Avec les margines comme avec tous les fertilisants, il y a des doses à respecter pour chaque arbre fruitier et il faut que les margines soient utilisées jusqu’à 80 jours après leur production. »

Mais pour l’instant, le biofertilisant à base de margines est rarement utilisé, car le transport des margines est tout simplement interdit au Maroc. Un projet de décret a été adopté il y a cinq ans pour permettre leur utilisation dans les parcelles agricoles. Mais le texte bloque toujours probablement parce que leur transport nécessiterait une organisation et des citernes spéciales.

Rachid Razzouk

Les margines, un secret de beauté

Qui a dit que cette matière visqueuse qui empeste ne pouvait pas être un atout de beauté ? La valorisation des margines passe aussi par leur recyclage dans des produits de beauté et d’hygiène corporelle. Les sous-produits de l’olivier sont en effet une mine de polyphénols ou antioxydants, mais aussi de potassium, de zinc, de fer et de calcium. Une coopérative féminine basée à Kenitra en a fait son business depuis près de trois ans maintenant. « Il suffit d’un simple prétraitement pour que les margines soient de vrais produits cosmétiques destinés à une clientèle responsable et avisée », nous dit Hafsa Annab, docteure en chimie fondamentale et appliquée et créatrice de la coopérative.

Hafsa Annab

La biomasse de l’olivier pour créer de la bioénergie

Le Maroc est en passe de devenir cette année le 5ème producteur mondial d’huile d’olives. Plus de production, c’est automatiquement plus de déchets. Chose que le voisin du nord semble bien gérer. L’Espagne, premier producteur d’huile d’olive se sert en effet de la biomasse de l’olivier pour produire de l’électricité.

La même technologie a été développée par l’agropole Olivier Meknès. Une centrale électrique pilote a été présentée il y a cinq ans lors de la COP 22 de Marrakech. L’objectif est de développer une centrale bioélectrique permettant d’éviter l’émission de 146 000 tonnes de CO2 par an. Pour Noureddine Ouazzani, fondateur et responsable de l’agropole Olivier Meknès, « la bioénergie représente l’avenir de la gestion des déchets de l’olivier. C’est l’innovation la plus recommandée en matière de gestion des sous-produits de l’olivier ».

L’olivier est en effet présent dans la quasi-totalité du territoire marocain avec 1 200 000 hectares de terres qui lui sont dédiés. Cette année, le Maroc devrait produire 140 000 tonnes d’huile d’olive mais cela générerait inévitablement plus d’un million de tonnes de margines. Une stratégie de gestion des sous-produits de l’olivier est donc nécessaire et devra être à la hauteur des efforts de production. Les plus anciens affirment que tout est bon dans l’olive même le noyau. Une expression peut-être prémonitoire d’un lendemain où chaque gramme d’une olive aura une valeur…

Reportage à réécouter ici.


Efficacité remarquable au nord-ouest de la Tunisie

Sur un ton victorieux, Sami Obeida, 38 ans, propriétaire d’une huilerie dans la localité de Mjaz El-Beb, à Beja, dans le Nord-Ouest de la Tunisie, revient avec satisfaction sur les résultats de l’expérimentation de la pulvérisation des margines dans ses deux oliveraies.

Cet agriculteur biologique convaincu et visionnaire a fait d’une partie de son exploitation un terrain d’expérimentation et de vulgarisation pour les agriculteurs de sa région et de Tunisie, une sorte de vitrine agricole pour inciter les oléiculteurs à renverser l’effet dévastateur de cette substance sur l’environnement et la nappe phréatique, en particulier dans le nord du pays, qui fournit des eaux de surface régulières estimées à 2 190 000 m3, à travers les  principaux bassins versants de l’Oued Mejerda.

Sami Obeida utilise un procédé éprouvé par des scientifiques, qui ont établi une modélisation permettant de transformer ce déchet toxique en un compost à même d’offrir aux arbres et aux sols de super nutriments bénéfiques, quasi gratuits, boostant la croissance et les rendements à l’hectare, tout en permettant de trouver une solution économique et écologique à ses effets dévastateurs sur l’environnement. Il raconte avec fierté cette nouvelle expérience qui le propulse de nouveau aux devants de la scène en tant que pionnier de l’huile d’olive biologique tunisienne plusieurs fois primée à l’international.

Caressant les branches de ses jeunes arbres, Sami narre cette success story commencée il y a deux saisons : « Je me suis lancé sur l’incitation de la direction régionale de la vulgarisation agricole, qui m’a proposé d’expérimenter la pulvérisation des margines fermentées sur mes oliviers. Au fil du temps, il est devenu clair que l’efficacité de cette technique innovante et peu coûteuse donnait une bonne croissance, non seulement aux oliviers mais aussi à toutes sortes d’autres cultures dans les environs. »

Le regard effleurant de loin l’étendue de ce domaine d’un vert luxuriant et parsemé de fleurs multicolores, il soutient que « cette expérience a réfuté les allégations selon lesquelles les margines nuisent à la terre, tout simplement parce que j’ai moi-même planté tout l’espace entre mes deux oliveraies au cours de la dernière saison et que j’ai obtenu de bons résultats visibles à l’œil nu. »

Sami Obeida note également que le nombre d’agriculteurs ayant volontairement expérimenté le biofertilisant à base de margines après avoir constaté son succès est en constante augmentation.

Diplômé en horticulture du centre de formation agricole de Chatt Meriem, et lauréat des prix internationaux de la meilleure huile d’olive biologique en Angleterre et en Italie, il compte valoriser la pulvérisation des margines comme une solution écologique bon marché et s’en faire l’ambassadeur afin, dit-il, « de généraliser la valorisation de ce déchet comme biofertilisant ».

Le déchet toxique fait sa mue

Les margines sont les résidus du processus de pression de la pâte d’olives dans les unités de production d’huile, où la transformation permet l’écoulement naturel de la précieuse huile d’olive mais aussi d’un liquide brun à brun-rougeâtre, d’aspect trouble avec une forte charge saline et très acide, riche en matières organiques et en polyphénols peu biodégradables. Ces eaux sont caractérisées par un pH de 4.5 à 5 et une conductivité de l’ordre de 10 mS/cm, due surtout aux ions potassium, chlorure, calcium et magnésium. À cause de leur charge organique très élevée, et de leur teneur en phénols et polyphénols difficilement dégradables, à raison de 20 %, ces effluents posent d’importants problèmes pour leur élimination.

Rejets polluants pour l’environnement, elles entraînent, dans les milieux aquatiques, une diminution de la concentration en oxygène dissous. Les composés phénoliques s’oxydent facilement avec l’oxygène du milieu en subissant ainsi une ionisation, ce qui rend le milieu irrespirable et asphyxie toute vie aquatique.

La forte acidité des effluents a aussi un impact négatif sur le sol et ses constituants. La microflore bactérienne du sol peut être détruite suite à l’acidification du milieu. Épandues sur les sols, les margines en diminuent la qualité et les substances toxiques contenues dans ces eaux s’y fixent et peuvent inhiber leur activité microbienne. Par ailleurs, le caractère visqueux des margines entraîne la formation d’un dépôt huileux sur le sol et provoque son imperméabilisation en premier stade, et son asphyxie par la suite. Les fortes teneurs en sels potassiques ont aussi un effet néfaste sur les plantations.

Solutions expérimentales

En Espagne, en plus des procédés d’épuration par voie aérobique et anaérobique, les margines sont employées pour produire une émulsion pour sous-couche routière (sous une couche de roulement superficielle). Plus de deux millions de litres de margines ont ainsi été utilisés pour la réalisation de chemins agricoles qui jouent un rôle de liant pour stabiliser les matériaux, comme le ferait le ciment, et isolent de l’eau grâce à leurs résidus huileux.

En Italie, l’épandage de margines traitées sur des cultures de blé dur a permis de constater un développement rapide de la taille de la graine ainsi que de la paille. En plus, les expériences ont prouvé que la récolte de blé dur peut tolérer les margines si l’épandage est effectué pendant les étapes de croissance préliminaires.

Ces données ont également motivé une étude préliminaire à l’élaboration d’un plan national de gestion des margines, effectuée en 2007 par le ministère tunisien de l’Environnement et du Développement durable. Cette étude a permis de recenser entre 1 600 à 1 850 huileries à travers le pays en fonction de la récolte répartie sur tout le territoire tunisien.

Environ 50 % de ces huileries sont à chaîne continue, alors que le reste utilise le procédé de trituration ancien. L’état des lieux dressé alors a permis de constater que le recours, ces dernières années, aux huileries à chaîne continue a engendré de grandes quantités de margines : en effet, une tonne d’olive triturée en procédé continue dégage entre 800 et 1 300 litres de margines, contre 500 litres pour une tonne d’olives triturée en procédé traditionnel.

C’est pourquoi la législation tunisienne, et plus précisément le décret n°85–56 du 2 janvier 1985 a interdit de déverser dans les oueds, lacs, retenues de barrages, zones d’agriculture ou de baignade, et sur leurs rives, des graisses et d’huiles végétales. Mais force est de constater que toutes les quantités de margines issues des huileries tunisiennes trouvent malheureusement comme destination finale les décharges, comme le rapporte l’étude qui a recensé  environ 125 décharges d’une capacité globale 1,3 millions de mètres cubes sur toute la Tunisie.

Les travaux de recherche ont été menés conjointement entre l’École nationale des ingénieurs de Tunis, l’Office national de l’assainissement et l’Institut de recherche pour la technologie de l’eau (FIW) à Aix-la-Chapelle en Allemagne, avec le concours de l’Office de la Coopération Allemande (GTZ). Ils ont été effectués sur une station pilote, installée dans les locaux de l’ONAS, d’une capacité variant entre 100 et 1000 litres par jour. Le procédé identifié est composé des trois étages, à savoir la boue activée à très forte charge, la digestion anaérobie permettant une récupération importante de biogaz, et la boue activée de moyenne à faible charge qui a pour effet de parfaire le rendement de la station de traitement.

Les avantages de ce procédé résident dans le fait que les margines sont non seulement traitées, mais aussi qu’il y a une valorisation des sous-produits, car une production de biogaz, à raison de 500 litres pour chaque kilo DCO éliminé, est obtenue au deuxième étage. Ce gaz est riche en méthane (75 % à 78 %) et a un pouvoir calorifique de 26 000 kj/m3. Les boues excédantes produites par la station pilote peuvent enfin être valorisées en agriculture sous forme d’amendement.

Valorisation institutionnalisée

Le processus de valorisation des margines en Tunisie a donc été fixé par le décret n°1308 de 2013 relatif aux conditions et modalités d’élimination des déchets extraits des huileries, en vue de leur utilisation dans le domaine agricole, et la circulaire conjointe entre les ministères de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche, celui des Affaires locales et celui de l’Environnement sous le n°192 datant de 2017, concernant les modalités d’élimination des margines et de leur utilisation dans le domaine agricole, qui ont permis son exploitation au profit de l’arboriculture.

Lotfi Bengrira, chef de la cellule de vulgarisation agricole à Beb El Medjez, explique que l’expérimentation du processus a commencé par une exploitation agricole locale à raison de 50 m3 de margines pulvérisés par hectare.

La préparation du liquide à pulvériser passe par la mise en vrac, dans une cuve ou un bassin étanche afin de procéder à la macération durant environ 24 heures. Le mélange est ensuite placé sur une aire de compostage et les éléments fertilisants sont intégrés dans le complexe humique et mis progressivement à la disposition de la plante par la biodégradation de la matière organique, afin qu’ils ne migrent pas en grosse quantité vers la nappe. La condition que Bengrira met en avant est qu’on procède au labourage de la terre après pulvérisation. Cela a été expérimenté sur une parcelle pédagogique mise à disposition par Sami Obeida. Plusieurs journées d’apprentissage et de sensibilisation ont été organisées pour les agriculteurs, ce qui a permis d’étendre la surface irriguée pour cette technologie de 10 à 150 hectares au cours des quatre dernières années.

Bengrira fait partie des techniciens qui, depuis qu’ils ont connu les bienfaits des margines à travers les recherches de l’Institut Zaytouna et de l’office de l’huile d’olive, ont cherché à consolider les résultats de cette recherche sur le terrain et à inciter à l’intensification de cette utilisation pour obtenir les meilleures huiles biologiques. Sami Obeida en est l’exemple même, lui qui a doublé d’année en année les surfaces irriguées par le compost de margines.

Limites de cette solution

Abeer Sassi, ingénieur à l’Agence nationale de gestion des déchets, indique que l’épandage des surfaces agricoles nécessite un contrôle très rapproché, car cette substance contient des éléments nutritifs pour la terre et qu’il s’agit d’une aubaine mais qu’elle peut être nocive si elle est jetée dans la nature dans les oueds, à la mer, sur les falaises et les chemins.

Abeer Sassi indique que la loi encadrant l’élimination des déchets dans le chapitre 24 de celle-ci la classe en tant que déchet spécifique, ce qui les soumet à des dispositions réglementaires exécutoires. Le législateur tunisien a en effet émis une ordonnance en 2014 pour en disposer et les valoriser par traitement après les résultats des recherches scientifiques, notamment ceux de l’Institut Zaytouna à Sfax et de recherche sur la mer Méditerranée, qui ont démontré l’utilité du compost de margines sur les arbres, soulignant que celles n’ayant pas plus de 30 jours et qui n’ont pas encore fermenté sont utilisables après compostage.

La réglementation recommande par ailleurs de conclure des contrats sous le contrôle des délégués régionaux à l’agriculture et des instances chargées du secteur afin d’encadrer au mieux la mise en œuvre de cette technique et la pulvérisation du compost de margines sur les oliviers, les arbres fruitiers et la vigne.

Abeer Sassi note aussi qu’il est strictement interdit de l’épandre sur des terrains situés à une distance inférieure à 200 mètres des habitations et des routes, et dans les terrains qui sont à moins de 300 mètres des cours d’eau en pente qui facilitent l’écoulement des substances dans les lits d’oueds ainsi que les terrains où la profondeur de la nappe de surface est inférieure à 10 mètres.

Les quantités autorisées à être pulvérisées à l’intérieur des exploitations varient quant à elles entre 50 et 100 m3 par hectare. Et bien que ces quantités soient limitées, elles valorisent une partie des margines produites annuellement en complément d’autres techniques qui ont été mises en œuvre, dont l’exploitation dans la filière industrielle vu que les quantités produites annuellement en Tunisie oscillent entre 800 et 1 300 tonnes, à travers près de deux milliers d’huileries, dont plus de 13 % dans le nord du pays.

Celles-ci posent de nombreux problèmes, notamment avec le contrôle limité des rejets et l’étalement des exutoires et le coût élevé de l’élimination des margines, la loi n°45 stipulant la nécessité d’éliminer la pollution environnementale, étant donné que la Tunisie est l’un des plus grands producteurs d’huile d’olive avec ses exploitations s’étendant sur près de deux millions d’hectares, dont 255 000 consacrés aux olives biologiques, ce qui la classe au premier rang mondial en termes de superficies biologiques.

Duplication

Ces solutions se confirment au vu des problèmes connus du secteur oléicole liés aux margines, notamment un rapport de la direction régionale de l’agriculture de Beja datant du 28 octobre 2020, qui a souligné l’absence d’exutoires définitifs des margines au sud de la wilaya avec des effets nocifs sur les écosystèmes. Le rapport fait également référence à l’absence d’exutoires au nord de Beja, Amdoun, Testour, Mejaz al-Bab et Qabat, et les exutoires individuels limités des huileries dont la capacité est insuffisante pour une semaine de travail, et le manque de travaux d’entretien dans ceux de Toborsuk et Tibar ainsi que les exutoires des usines en termes de nettoyage.

C’est ce qui fait de l’expérimentation du domaine de Sami Obeida, lancée il y a deux saisons, un exemple dupliqué par les agriculteurs, les huileries et les techniciens, d’autant plus que l’expérimentation a prouvé son efficacité, selon le témoignage de Sami, qui pointe fièrement le couvert végétal resplendissant de ses terres irriguées aux margines.

Sofia Fagroud (Maroc) & Cherifa Oueslati (Tunisie)


Ce reportage transversal a été réalisé avec le soutien de l’Agence française pour le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est.


Sofia Fagroud est journaliste présentatrice et reporter à la radio Chaîne Inter de la SNRT où elle travaille depuis 2009 après un passage par la télévision. Elle a obtenu le Grand Prix de la Presse Nationale en 2018 pour son grand reportage « Les Petits Voisins du Soleil » sur la scolarisation des enfants dans la commune rurale de Guessat près de Ouarzazate. Sofia Fagroud est titulaire d’une licence en journalisme de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (2007) et d’un Master en Communication de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat (2019).

Cherifa Oueslati est journaliste d’investigation à l’agence de presse tunisienne TAP.

31 décembre 2021