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Marie-Louise Belarbi, les choix du cœur

Figure centrale de la vie littéraire et intellectuelle marocaine, Marie-Louise Belarbi s’est éteinte hier à Tanger.

Le Carrefour des livres, à Casablanca, c’est elle. Tarik éditions, c’est encore elle. La publication de Bonjour tristesse, alors que Françoise Sagan était toute jeune et était venue déposer son manuscrit chez Julliard, c’était déjà elle. Le Maghreb des livres, dès 1994, c’était elle bien sûr. Malgré sa discrétion et avec ses complices, elle mettait tout son dynamisme pour faire rayonner bien des aventures liées aux livres.

Chez elle, enfant, à Montpellier, on lisait au moins trois livres par semaine. Sa vie, c’est aux livres qu’elle l’a dédiée. Aux auteurs qu’elle a aimés. Les Casablancais se souviennent encore de cet espace de débat libre et de rencontres, toujours animées et chaleureuses, qu’était son Carrefour des livres. 25 ans de librairie. Et faire vivre une librairie en pleines années de plomb, il fallait le faire.

Un dessin de Plantu, lors de sa venue au Carrefour des livres

Ses choix, elle les a fait par passion, en toute indépendance, avec une volonté inébranlable. Venir au Maroc. Travailler. Monter sa librairie quand les autres lui semblaient accueillantes comme des portes de prison, et y organiser cinq rencontres par semaine. Avoir les livres et savoir à qui les proposer. Ne pas céder aux intimidations, quand on lui demandait de retirer un livre de sa vitrine. « C’est ma librairie, mon livre et ma vitrine ». Accompagner plusieurs générations d’auteurs, et en faire éclore. Driss Chraïbi, Rachid Mimouni, Abraham Serfaty, Abdellah Taïa…

Elle était exigeante et ne supportait pas la médiocrité. « À la trappe ! », et c’était le bruit fracassant d’un manuscrit non retenu s’écrasant au sol. Elle pestait contre le fait que sa profession soit « pleine de gens qui ne sont pas du métier ».

Pour le livre au Maroc, elle a été essentielle. « J’ai vécu des choses que je pensais ne jamais vivre », m’avait-elle confié, avec un sourire malicieux et les yeux brillants. « Et maintenant, je recommencerais volontiers une vie, toujours dans le livre. »

Dans sa famille et dans le monde des lecteurs au Maroc, elle laisse un vide immense.

Kenza Sefrioui

29 mai 2020