Personne ne s’habitue à la guerre
Alors que les massacres continuent à Gaza, l’artiste Muriel Modr publie les enfants d’enfants rencontrés il y a vingt ans dans les camps de réfugiés.
« Ici, les frontières se déplacent chaque jour. Personne ne s’habitue à la guerre ». Trois enfants escaladant un monticule de terre avec des bâtisses en parpaing et en tôle en arrière-plan. Ainsi s’ouvre le livre de dessins rassemblés par Muriel Modr. C’était en 2003 et, déjà, la guerre, les humiliations, les enfants dans les camps de réfugiés. Deux ans plus tard, lors de son deuxième voyage, c’était toujours la guerre. Aujourd’hui, que sont-ils devenus ? Comment vivent-ils ? Désormais adultes, « certains d’entre elles et d’entre eux animent sous des tentes ou abris de fortune des ateliers malgré les déplacements forcés et la guerre génocidaire ». En souvenir des enfants avec qui elle animé des ateliers de dessin et de poésie, Muriel Modr témoigne. Cette publication est un acte de solidarité et de résistance.
Défier la peur
Alors que les enfants ont été parmi les premières victimes du génocide, ce petit livre qui met en lumière leurs voix, leurs espoirs, leurs peurs, leur fraîcheur dans le jeu et dans l’expression est un défi aux murs, aux miradors et aux bombes. Muriel Modr souligne leur sincérité, leur lien à la réalité vécue, par opposition au vocabulaire des médias mainstream en France notamment. « Je lis dans la presse les mots situation ou conflit à la place de colonisation armée. Ce sont des tanks, des bulldozers, des F16 qui font la catastrophe la Nakba qui ne cesse. » Face à cela, « tous les jours des enfants risquent leur vie pour s’inventer des repères que l’armée israélienne leur interdit. Risquent de s’approcher des murs gardés par des miradors, pour un cerf-volant qui suit le vent qui ne reconnaît pas l’armée. »
Les dessins sont accompagnés de citations des enfants ou de notes retraçant leurs témoignages bouleversants. « Il n’y a pas de mur dans le ciel », dit une petite fille, qui « n’est jamais certaine de prendre le chemin le plus sûr en rentrant de l’école ». « Contre les bombes volantes, planter des fleurs sur les terrasses ».

On y voit une ville dessinée à l’envers car elle a été rasée, des arbres arrachés, des hélicoptères, des tanks, un homme piégé dans un arbre en feu après une attaque, mais aussi la table et le soleil quand le couvre-feu a été levé, les palmiers et les cultures des champs. On y lit les espoirs de « connaître le monde, ne plus êtres enfermés, respirer, accueillir votre visite ». On y devine le désarroi de Maissa qui n’a pas de réponse face aux questions des enfants.
Avec les enfants, Muriel Modr conclut : « Il faut apprendre à ne jamais baisser les yeux ». Car « Soft occupation is impossible ».
Le livre est vendu en soutien à des projets éducatifs, culturels et artistiques dans la bande de Gaza et contribuent à la campagne Education4gaza.
Et vous, vous lisez quoi ?
Kenza Sefrioui
Comme des marque-pages glissés dans nos mémoires
Muriel Modr
La courte échelle.éditions transit, 100 p., 200 DH