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Réseau associatif de lutte contre les drogues : Non à la drogue !

Depuis quinze ans, le Réseau associatif de lutte contre les drogues vient en aide aux toxicomanes et à leurs familles.

Au départ, le Réseau, fruit d’une coalition entre deux associations de quartier, a vu le jour afin de faire face à la consommation des psychotropes dans les bidonvilles de Aïn Sebaâ et de Hay Mohammadi. Abdessamad Tahfi, Abdelmajid Kadiri et d’autres jeunes de ces quartiers populaires de Casablanca ont décidé de se structurer et lancer la caravane La li karkoubi (Non au karkoubi). « Nous étions touchés directement par ce phénomène. Nos quartiers étaient des espaces de guerre avec pour conséquence de la violence, des vols, des viols, des meurtres, des parricides et des matricides. Il nous fallait agir », se rappelle Abdelmajid Kadiri, président de l’association Al Azhar, membre du réseau.

Des clubs dans les écoles

Les militants du Réseau vont à la rencontre des populations, notamment dans les marchés et à l’intérieur même des bidonvilles à Aïn Sebaâ, My Rachid, Sidi Othmane et Hay Mohammadi, afin de combattre le fléau de la consommation des psychotropes. Ils se sont par la suite attaqués au phénomène de la drogue dans les écoles. Les militants associatifs de ces associations de quartier ont constaté que les dealers utilisaient des collégiens pour introduire de la drogue à l’intérieur des établissements scolaires. Ils pouvaient également se positionner près de ces mêmes écoles en s’improvisant vendeurs de cigarettes en détail ou marchants ambulants. « Nous avons créé des dizaines de clubs dans les écoles et formé des jeunes collégiens et lycéens afin de devenir nos ambassadeurs dans ces établissements. Nous adoptons ainsi comme stratégie la formation par les pairs », explique Abdelmajid Kadiri, un des fondateurs du Réseau et son coordinateur artistique.

Depuis trois ans, le Réseau associatif de lutte contre les drogues a pris en charge la gestion du premier centre de proximité à destination des victimes des drogues et de leurs familles au Maroc. Chaque jour, une équipe du réseau associatif se tient à la disposition des victimes des drogues et de leurs familles. « Il faut être proche des citoyens et de leurs problèmes. Nous vivons dans des quartiers minés par les drogues. Un centre de proximité, c’est aussi la possibilité pour ces familles de pouvoir avoir des interlocuteurs dans leur propre quartier et des militants qui puissent les orienter vers les quelques autres structures existantes », ajoute Abdelmajid Kadiri. Dans ce centre, deux médecins addictologues et un médecin se déplacent une fois par semaine afin de traiter gracieusement les toxicomanes…

Pour les mois à venir, le Réseau compte organiser une grande campagne de sensibilisation dans les établissements scolaires de Casablanca/Settat. « Nous avons choisi pour cette opération le slogan suivant : “le pays à besoin de vos cerveaux et de vos corps, ne les dilapidez pas” », conclut Abdelmajid Kadiri.

L’entretien
Abdessamad Tahfi, coordinateur général : Sensibiliser pour mieux prévenir

Abdessamad Tahfi

Pourquoi avoir créé ce Réseau ?

Nous avons décidé, il y a de cela quinze ans, de lancer l’initiative « Non au Karkoubi » afin de rendre visible à l’opinion publique marocaine la souffrance d’une jeunesse aux prises avec la drogue. Nous avons insisté sur les psychotropes parce qu’à l’époque, le karkoubi était proposé dans les quartiers populaires de Casablanca à un prix aussi bas que trois dirhams. Une partie de notre jeunesse a été détruite par cette drogue et souffre de graves maladies psychiatriques. Nous étions au départ deux petites associations de quartiers de Aïn Sebaâ qui ont fusionné. Et notre première action a été rendue possible grâce à l’aide de l’ONG L’Heure joyeuse.

Quelles sont les principales réalisations de l’association ?

Notre objectif majeur, c’est de protéger les générations futures contre les méfaits de la drogue. Et pour cela, nous organisons beaucoup de campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires. On y a créé des centaines de clubs de collégiens ou de lycéens contre la consommation de la drogue. Nous avons pu, grâce à ces clubs, encadrer des milliers d’enfants et de jeunes. Nous avons également pris en charge un centre de proximité pour soigner gratuitement les toxicomanes. Nous comptons lancer prochainement des programmes d’accompagnement des mères et pères d’addicts.

Quelle est la réalité de la consommation des drogues au Maroc ?

Aujourd’hui, le Maroc est un pays où l’on peut trouver tous types de drogues. Du hashish bien sur puisqu’on en produit, mais également de la cocaïne, de l’héroïne et de l’ecstasy que l’on peut acheter à 10 dirhams la pilule dans les quartiers populaires de Casablanca.

Que faut-il faire pour lutter efficacement contre la consommation des drogues au Maroc ?

Il est temps que les institutions participent à cet élan de lutte contre la consommation de drogue en mettant au point une stratégie nationale avec un budget conséquent. La consommation du karkoubi, c’est la voie directe pour la criminalité et la radicalisation. De plus, nous faisons face à des jeunes délinquants violents et sans aucun sens de la citoyenneté. Enfin, il y a la facture sanitaire, sociale et économique qui augmente chaque année à cause de la montée de ce phénomène.

Abdessamad Tahfi est décédé le 11 mars 2020.

 

Le portrait
Abdelmajid Kadiri, coordinateur artistique : chantre de l’entraide

Abdelmajid Kadiri

Fondateur en 2000 de l’association Al Azhar, Abdelmajid Kadiri se définit lui même comme un militant de la solidarité. Un crédo qui l’a poussé avec un groupe d’amis à orienter l’association vers la lutte contre la consommation de la drogue, des psychotropes en particulier. « Au début des années 2000, le karkoubi faisait des victimes parmi les jeunes et occasionnait aussi des délits, des crimes et des meurtres. Nous avons initié dès lors des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les maisons de jeunesse et dans les espaces publiques ». Dans sa vie de tous les jours, ce natif de Aïn Sbaâ est un artiste intermittent : acteur de théâtre, de cinéma, dans les séries télévisées, ainsi que dans les spots publicitaires. C’est donc tout naturellement qu’au sein du Réseau associatif de lutte contre les drogues, Abdelmajid Kadiri s’occupe du pôle artistique, notamment en faisant découvrir aux addicts l’univers de l’art et de la culture. « Je fais également du coaching en développement personnel afin d’apprendre à ces jeunes des techniques de savoir-vivre et de savoir être. »


La fiche signalétique

Réseau associatif de lutte contre les drogues

Ancienne route de Rabat, en face du zoo de Aïn Sebaâ

Tel : 05 22 66 53 93 et 06 62 18 50 36


Hicham Houdaïfa

30 mars 2021