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Sur les pas des dinosaures du Maroc

Dans une bande dessinée tout à fait originale, Camille Castaigna, Mohamed Haïti et Moussa Masrour rendent sensible la richesse du patrimoine paléontologique marocain.

Coquillage ou pierre ? Le statut des fossiles intrigue le petit garçon qui deviendra paléontologue et reviendra sur le site d’Akrach, près de Rabat, avec chapeau, pioche et une boîte de sardines où loger ses trouvailles. Le professeur Moussa Masrour est le héros de cette histoire qui s’étire sur plusieurs centaines de millions d’années et il a une complice, Ennite l’ammonite, un malicieux fossile toujours prêt à glisser son grain de sel. Moussa Masrour enseigne la paléontologie à l’université Ibn Zohr d’Agadir et a assuré la direction scientifique de cette bande dessinée tout à fait originale sur le patrimoine géologique du Maroc. Camille Castaigna, la scénariste, et Mohamed Haïti, le dessinateur, témoignent d’un travail où l’exigence de réalisme devait prendre le pas sur la dimension esthétique… Tous deux ont pris leur revanche en mettant en scène le professeur Masrour dans des positions inconfortables et dans des véhicules de toutes sortes.

Plaidoyer pour un patrimoine exceptionnel

Car un paléontologue, c’est en quelque sorte un aventurier. « Un détective », cherchant à « reconstituer les mondes disparus », à comprendre, à partir d’indices infimes et souvent trouvés par hasard, comment était la vie il y a des millions d’années. Fossiles et dinosaures du Maroc se lit à la fois comme un album, dans les parties où l’on suit les personnages, et comme un documentaire où ils expliquent ce qu’est un fossile, comment se déroule le processus de fossilisation – avec une petite mise au point bien utile sur les ères. « La plus ancienne preuve de la vie sur terre remonterait à -3,8 milliards d’années ». On apprend comment on extrait les fossiles, comment on les moule, et comment on les nomme.

Mohamed Haïti, Camille Castaigna, Moussa Masrour et l’éditrice du livre, Rita Baddou

Au Maroc, le sol « offre comme des fenêtres permettant de voyager dans le temps, depuis le protozoïque jusqu’à l’holocène » grâce à l’abondance de fossiles. L’Oriental, les régions de Zagora, de Taroudant, d’Agadir ont fournis d’importants échantillons de poissons, mollusques, mammifères et mêmes de dinosaures. À Ouaoumda, à l’est d’Azilal, a été retrouvé un Atlasaurus imelakei presque complet. Et à Jbel Irhoud, au nord-ouest de Marrakech, la découverte du plus ancien fossile d’homo sapiens retrouvé au monde a permis de repousser de 100 000 ans la datation d’homo sapiens.

Pourtant, le livre tire la sonnette d’alarme : ce patrimoine est menacé faute de protection. « Les chasseurs de fossiles qui pillent notre patrimoine national, sans formation scientifique et mal outillés, abîment les sites et beaucoup de spécimens lors de l’extraction, privant les chercheurs de nombreux fossiles et des informations liées au contexte géologique. » Entre abandon et trafic, il y a urgence à agir. Cette bande dessinée, aussi efficace qu’agréable à lire et au trait élégant, est la première d’une collection dédiée à la diffusion de la culture scientifique.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Fossiles et dinosaures du Maroc
Moussa Masrour, Camille Castaigna et Mohamed Haït
Bouillon de Culture, 68 p., 200 DH

7 juin 2024